Ahmed a 15 ans. Ce Guinéen a été arrêté en septembre en Algérie alors qu’il se trouvait sans papiers dans le pays. D’abord emprisonné, il a ensuite été expulsé vers le Niger. Avec des centaines de personnes, il a été abandonné dans le désert, à une quinzaine de kilomètres de la ville nigérienne d’Assamaka. Une pratique de plus en plus courante ces derniers mois.
« Ça fait trois mois que je suis au Niger. Avant j’étais en Algérie. Ce n’est pas moi qui voulait partir, je me suis fait attraper. Je vivais en Algérie depuis 5 mois quand j’ai été arrêté.
Je travaillais dans la ville d’Adrar, je nettoyais une maison. Mon patron était algérien mais je ne m’entendais pas avec lui donc je suis parti. Quelques jours plus tard, vers le 12 septembre, j’ai été arrêté alors que je cherchais du travail.
On m’a arrêté parce que je suis noir. Les policiers m’ont demandé mes papiers mais je n’en avais pas et je n’ai pas voulu leur montrer mon passeport parce qu’ils l’auraient déchiré. Ils me disaient ‘Rentre en Afrique’ et ils m’ont emmené en prison.
J’ai passé trois jours dans la prison d’Adrar avec d’autres personnes, puis on nous a emmenés à Tamanrasset. On est restés là-bas 3 h puis on nous a mis dans des camions et on a roulé jusqu’à un lieu, à 15 kilomètres de la ville nigérienne d’Assamaka.
On était beaucoup, environ 400 personnes. Des hommes, des femmes et des enfants. Moi, j’étais avec des jeunes que j’avais rencontrés en prison et avec qui je m’entendais bien.
Marche dans le désert
Quand les Algériens nous ont déposés dans le désert, ils ont tiré deux coups de fusil en l’air pour nous faire peur. Ils ne nous disaient rien à part ‘Descends vite’. Ils nous ont laissé un peu de nourriture sur le sable et ils sont repartis tout de suite.
Ces opérations d’expulsions d’étrangers vivant en Algérie vers le Niger sont de plus en plus nombreuses ces derniers mois. Elles causent des problèmes d’organisation au Niger, notamment dans la toute petite ville d’Assamaka, parfois submergée par les arrivées.
On a marché de 5 à 8 heures du matin. À ce moment-là, on a croisé un camion et le conducteur nous a dit qu’on n’était pas dans la bonne direction pour aller à Assamaka. On a fait un détour et on est arrivé dans cette ville à 12 heures. On était épuisés. Le trajet a été très difficile. Parfois des gens tombaient, mais on les relevait, et on se motivait pour continuer à marcher. S’arrêter, ça voulait dire être abandonné dans le désert.
Parmi les personnes qui ont été expulsées en même temps que moi, certaines vivaient en Algérie depuis plus de dix ans.
À notre arrivée à Assamaka, des personnes de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) nous ont demandé s’il y avait des mineurs parmi nous, ils ont pris nos noms et nous ont donné à manger. Moi, je n’ai pas voulu dire que j’avais 15 ans parce que j’avais peur qu’à cause de cela, je sois retenu plus longtemps que les autres au Niger. J’ai dit que j’avais 18 ans.
On est restés dix jours à Assamaka, puis on est partis à Arlit, où on est restés un mois et trois semaines. Après, on nous a transférés à Agadez, puis à Niamey, où je suis depuis un petit peu plus d’un mois.
Dans le centre de l’OIM où je me trouve en ce moment, nous ne sommes pas nombreux. Nous avons à manger trois fois par jour et l’OIM nous donne du savon pour laver nos vêtements. Mais, moi, je le revends pour pouvoir me payer une carte de téléphone et appeler ma famille.
« Je n’ai rien dit à ma mère quand je suis parti »
Pour le moment, je ne peux pas encore rentrer en Guinée. Avec d’autres Guinéens, on attend que l’OIM rassemble nos documents d’identité, nos laisser-passer etc. J’ai vraiment hâte de rentrer dans mon pays.
Les opérations de retour vers les pays d’origine des migrants expulsés d’Algérie vers le Niger ont été fortement ralenties ces derniers mois en raison des contraintes administratives et sanitaires imposées par les États et parfois liées à l’épidémie de Covid-19. L’insécurité de certaines zones compliquent également les trajets de retour des migrants.
Je ne suis pas angoissé à l’idée de rentrer car j’ai parlé souvent à ma famille au téléphone. Quand j’ai dit à ma mère que j’avais été expulsé d’Algérie, elle a eu très peur. Elle pensait que j’allais me faire kidnapper par des terroristes dans le désert.
Quand j’ai quitté la Guinée, en 2020, je ne lui avais rien dit. Je l’ai appelée quelque temps après pour lui dire que j’étais parti et elle était très en colère. Mon projet, c’était d’aller au Maroc pour essayer d’entrer à Ceuta. J’ai un ami qui a réussi à le faire et qui m’a dit que je devrais essayer aussi. Je suis d’abord allé au Sénégal avec un ‘grand’ de 24 ans de mon quartier, puis j’ai décidé de rejoindre l’Algérie pour y travailler.
Mais, maintenant que je vais rentrer à Conakry, je ne sais pas encore ce que je vais faire. Je vais sans doute travailler dans la boulangerie de mon frère. »