Libye : des corps calcinés de migrants découverts dans un bateau le long de la côte

Libye : des corps calcinés de migrants découverts dans un bateau le long de la côte

11 octobre 2022 Non Par Fatou Kane

En Libye, une découverte macabre relance la question des violences infligées aux migrants. Quinze candidats à l’exil ont été tués par leurs passeurs vendredi au moment de prendre la mer à Sabratha. Onze corps calcinés ont été retrouvés dans l’embarcation.

Les corps calcinés de onze migrants ont été retrouvés, vendredi 7 octobre, sur la côte de Sabratha par des bénévoles du croissant rouge libyen. Quelque trente-cinq ont pu être secourus.

La ville de Sabratha, située à 70 km de Tripoli, est un important point de départ pour des milliers de personnes qui cherchent chaque année à rejoindre les côtes italiennes depuis la Libye.

Les onze corps ont « été découverts à l’intérieur d’un bateau amarré et quatre autres corps portant des blessures ont été retrouvés à l’extérieur », a précisé la Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul) dans un communiqué, qui a condamné un « meurtre odieux ».

Au total, quinze migrants ont donc perdu la vie dans des circonstances encore à déterminer. Différentes versions circulent sur le déroulement des faits, mais d’après tous les témoignages récoltés l’auteur était un passeur.

« S’ils n’avaient pas été brûlés, personne n’en aurait parlé une fois de plus »

Selon l’ONU, « les meurtres auraient résulté d’affrontements armés entre trafiquants rivaux », ce que confirment les médias locaux pour qui les passagers de l’embarcation ont été tués, jeudi, par des tirs à la suite d’une dispute entre passeurs. Un des groupes de passeurs impliqué dans la querelle a ensuite mis le feu au bateau vendredi, selon les mêmes sources.

Le collectif de migrants Refugees in Libya, contacté par InfoMigrants, est parvenu à joindre plusieurs témoins de la scène. « Le bateau n’était pas prêt à partir, il manquait du pétrole », indique le groupe. « Les passagers qui avaient payé chacun 3 500 dollars se sont plaints auprès des passeurs. Les passeurs leur ont tiré dessus. »

Il n’est pas rare que des disputes éclatent entre passeurs et que les migrants en fassent les frais, estime Refugees in Libya. « Chaque semaine des corps sont découverts sur le rivage. Ils peuvent très bien avoir été jetés par-dessus bord par ces trafiquants. S’ils n’avaient pas été brûlés, personne n’en aurait parlé une fois de plus. »

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Selon des médias locaux, ces migrants étaient pour la plupart issus d’Afrique subsaharienne. Mais d’après Refugees in Libya, des Syriens, des Bangladais, des Soudanais et des Maliens se trouvaient sur l’embarcation. Parmi les personnes secourues par le croissant rouge libanais, douze étaient de nationalité syrienne et huit égyptienne. Pour le reste, les survivants venaient de divers pays africains et du Bangladesh, a indiqué le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) de Libye à InfoMigrants.

Les survivants se cachent par peur des représailles

Le collectif qui a parlé avec plusieurs survivants indique que les téléphones portables d’au moins six des blessés hospitalisés à Tripoli ont été confisqués.

D’autres migrants ont réussi à échapper au massacre. « Plus de 100 personnes auraient pris la fuite au moment de l’explosion », a détaillé le HCR de Libye. Ils se cachent par peur de représailles de la part des passeurs et d’arrestations par les autorités libyennes. « Les migrants ici vivent dans la peur perpétuelle. Ils sont victimes des passeurs, mais ils sont traités comme des criminels par les autorités qui sont censées les protéger. Ils sont interpellés et accusés d’entrée illégale dans le pays », dénonce le groupe d’aide aux migrants en Libye

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Ce drame « rappelle brutalement le manque de protection auquel sont confrontés les migrants et demandeurs d’asile en Libye, ainsi que les violations généralisées des droits humains perpétrées par de puissants réseaux de trafiquants et criminels », déplore également la Manul.

Sécurité renforcée dans la ville de Sabratha

L’ONU a par ailleurs exhorté les autorités libyennes à « garantir une enquête rapide, indépendante et transparente pour traduire tous les auteurs en justice ».

Joint par InfoMigrants, un migrant sur place a décrit une ambiance « très sécuritaire » dans la ville de Sabratha. « Les forces de sécurité libyennes sont en alerte. Elles recherchent ceux qui ont fait ça », décrit-il.

« Sabratha est une petite ville, où il est difficile de se cacher. Les autorités libyennes devraient déjà avoir trouvé les trafiquants », s’étonne Refugees in Libya, qui accuse les autorités libyennes de fermer les yeux sur les passeurs qui commettent des abus.

Les membres du collectif s’inquiètent du sort de cinq Ethiopiens arrêtés par la police libyenne et soupçonnés de détenir des informations sur le drame de vendredi. « C’est absurde, dans toute la ville de Sabratha, les autorités et ses agences de sécurité prétendent n’avoir aucune information sur les tueurs mais arrêtent cinq migrants éthiopiens », a tweeté Refugees in Libya, appelant à une enquête « immédiate et claire ».

De nombreuses ONG dénoncent régulièrement les mauvais traitements infligés en Libye aux migrants qui traversent le pays pour rejoindre l’Europe.

Depuis le début de l’année, 14 157 migrants ont été interceptés par les garde-côtes libyens et ramenés en détention, selon un bilan de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) publié lundi dernier. Au moins 216 personnes sont mortes en tentant la traversée de la Méditerranée et 724 sont portées disparues et présumées mortes, d’après l’OIM.