Bloqué depuis près de deux ans au Niger, un groupe de demandeurs d’asile LGBT à Niamey voit peu à peu s’évanouir son rêve de réinstallation. Alors qu’ils tentent de survivre dans un pays marqué par l’intolérance à l’égard des personnes homosexuelles, ils réclament une meilleure prise en charge du Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés afin de pouvoir être relocalisés dans un pays tiers.
Le 22 août, un groupe d’environ 25 personnes LGBT s’est rassemblé devant le bureau du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à Niamey, au Niger. Majoritairement originaires du Cameroun, mais aussi du Mali, d’Éthiopie et de Côte d’Ivoire, ces demandeurs d’asile réclament à l’agence onusienne une meilleure prise en charge pour pouvoir être relocalisés dans un autre pays. Mais il leur faut pour cela obtenir le statut de réfugié auprès des autorités nigériennes, qui le leur refusent.
« Nous souhaitons être traités de la même manière que les hétérosexuels »
Pierre* est le leader du groupe de migrants LGBT. Il a requis l’anonymat pour des raisons de sécurité en raison de l’hostilité envers les minorités sexuelles dans le pays. « Le rassemblement du 22 août avait pour but de faire certaines revendications auprès du HCR à Niamey, dont le droit d’obtenir l’asile. Nous souhaitons être traités de la même manière que les hétérosexuels, et que le HCR prenne en charge notre relocalisation », détaille le jeune homme.
L’agence de l’ONU aide les personnes déplacées à effectuer les procédures de réinstallation et à voyager vers un pays tiers, une fois qu’elles ont été reconnues comme réfugiées par les autorités locales. Toutefois, selon le site internet de l’institution, lorsque le gouvernement d’un pays d’accueil refuse d’enregistrer un certain groupe de personnes en tant que réfugiés, le HCR peut procéder à leur enregistrement de son propre chef.
Une procédure réclamée par Pierre : « À mon avis, puisque nous ne sommes pas acceptés en Afrique, et spécifiquement au Niger, le HCR a le devoir de nous prendre sous son mandat direct et de nous aider à initier le programme de réinstallation afin de nous faire sortir du Niger. Ainsi, nous pourrons être transférés dans un pays où l’homosexualité est légale, afin que nous puissions reprendre nos vies arrachées, et vivre enfin en paix et en sécurité. »
Nombre de ces demandeurs d’asile sont arrivés au Niger il y a bientôt deux ans, dans l’espoir d’être relocalisés dans un endroit plus accueillant pour la communauté LGBT. Mais ils n’ont pas obtenu le statut de réfugié auprès de la Commission nationale d’éligibilité au statut des réfugiés du Niger. Pour Pierre, leur orientation sexuelle est la cause de ce refus.
« Ces personnes sont prises en charge par le HCR depuis leur arrivée au Niger »
Gloria Ramazani, responsable des relations extérieures du HCR à Niamey, assure que le HCR a fait son possible pour ces demandeurs d’asile : « La réinstallation suppose que les réfugiés sélectionnés ultérieurement par les pays de réinstallation aient déjà le statut officiel de réfugié. Il ne s’agit pas d’un droit mais d’une solution qui ne s’applique qu’à ceux qui ont été reconnus comme réfugiés dans des circonstances très spécifiques, la priorité étant donnée à ceux qui sont considérés comme les plus vulnérables ou ceux qui ont le plus besoin de protection », explique-t-elle.
« Les personnes LGBT qui se sont rassemblées devant la représentation du HCR le 22 août n’ont pas encore été formellement reconnues comme réfugiées par les autorités nigériennes. Elles ne sont donc pas encore éligibles à la réinstallation. De plus, le HCR a plaidé auprès du gouvernement nigérien sur les risques qu’encourent les demandeurs d’asile et les réfugiés LGBT au Niger. Le HCR propose des mesures de protection appropriées et identifie des solutions durables », insiste Gloria Ramazani.
« Le gouvernement nigérien pense que notre sexualité contamine leur société »
Mais pour Pierre, l’attente est trop longue et l’hostilité auprès des LGBT au Niger complique leur vie : « Nous sommes fatigués de vivre comme des prisonniers, et nous souffrons. Le gouvernement nigérien ne nous accepte pas dans son pays, car il pense que notre sexualité contamine leur société.
À Niamey, les personnes LGBT n’ont pas de vie, car le pays est très homophobe. Nous vivons ici dans une peur totale car nous sommes insultés partout. Même le commerçant du magasin où nous allons acheter de la nourriture refuse de nous servir juste parce qu’il a appris que nous sommes homosexuels. Nous tremblons de peur tous les jours. Ce matin encore, j’ai été attaqué par un Nigérien alors que je me rendais au magasin pour acheter du pain.
Le HCR au Niger est bien conscient de notre situation, mais il choisit de ne pas agir, ne dit et ne fait rien, alors que nous vivons un calvaire. C’est difficile de vivre ici, car le HCR ne donne à chacun d’entre nous que 43 000 francs CFA [environ 65 euros, ndlr] à la fin du mois, alors que les dépenses quotidiennes dans le pays sont très chères.
De plus, même les fonctionnaires nigériens qui travaillent pour le HCR font preuve d’homophobie. Par exemple, même devant le personnel du HCR, les colocataires avec lesquels nous vivions dans les logements fournis nous crachaient dessus et nous attaquaient verbalement avec des discours de haine tout le temps. »
Selon le HCR, il existe des alternatives pour améliorer la vie des personnes LGBT. « Ces exilés peuvent bénéficier de visas humanitaires mis en place par les États, qui sont souvent utilisés pour admettre dans un pays tiers des personnes ayant besoin de protection internationale, assure Gloria Ramazani. En faisant cela, ils pourront ensuite avoir la possibilité de demander officiellement l’asile. »
En attendant, Pierre et les demandeurs d’asile LGBT se disent désespérés. « Chaque jour, je pense à ma mère, qui m’a sauvé d’être enterré vivant par mes proches après la découverte de ma relation avec un autre homme. Je n’ai jamais revu ma mère ni même entendu sa voix depuis que j’ai fui le Cameroun. Ici, nous organisons souvent des réunions de deuil où nous nous racontons tous nos histoires, et nous pleurons jusqu’au matin.
J’aimerais aller aux États-Unis, j’ai toujours aimé l’anglais. Mais puisque je n’ai pas le droit de choisir, j’imagine que j’irai là où ils m’envoient. »