Rétro : les moments forts de 2020
28 décembre 2020L’année 2020 aura été marquée par l’épidémie de coronavirus qui n’a pas épargné les migrants. En France, ces derniers ont souvent été abandonnés à leur sort dans les campements de fortune. Ce fut aussi une année terrible pour les demandeurs d’asile en Grèce après l’incendie du plus grand camp d’Europe, Moria. Et enfin, une année noire pour les décès en mer, ceux qui ont eu lieu en Méditerranée mais aussi dans la Manche et dans l’océan Atlantique. La rédaction d’InfoMigrants revient sur les moments forts de l’année écoulée.
1/ Incendie du camp de Moria, à Lesbos
Dans la nuit du 8 au 9 septembre, le camp de Moria, sur l’île grecque de Lesbos, a été ravagé par un gigantesque incendie. Le site, détruit à 99%, hébergeait plus de 12 000 migrants dans des conditions insalubres.
Des milliers de migrants ont passé plusieurs nuits dans la rue, en attendant de l’aide humanitaire. « Nous sommes abandonnés à nous-mêmes, sans nourriture, sans eau, sans médicaments », avait raconté une Syrienne.
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait alors fait part de sa « profonde tristesse » face à l’incendie, soulignant que l’UE se tenait « prête à aider » la Grèce.
Trois mois après, plus de 7 000 migrants sont toujours bloqués à Lesbos, dans un nouveau camp construit à la hâte après l’incendie. Avec l’arrivée de l’hiver, les conditions de vie des habitants se sont encore aggravées : leurs tentes ont été inondées après plusieurs jours de fortes pluies, malgré les travaux de drainage effectués en octobre sur ce terrain inondable.
2/ Réactivation de la route des Canaries
Depuis le début de l’année, près de 20 000 migrants ont débarqué aux Canaries, petit bout de terre espagnole perdue au milieu de l’océan Atlantique, soit 10 fois plus que l’an passé. Cette route n’était presque plus empruntée depuis 2006, qui avait vu l’arrivée de 30 000 exilés.
L’archipel espagnol situé au large des côtes marocaines, a très vite été débordé par cet afflux de migrants. Le port de l’île principale de Grande Canarie, Arguigneguin, est rapidement devenu « le camp de la honte » où plus de 2 000 migrants se sont entassés pendant plusieurs jours le long de la jetée.
Sur cette route, très dangereuse, environ 500 personnes sont mortes en tentant de rejoindre l’Espagne. Le décès de Doudou, cet adolescent de 14 ans, a particulièrement ému le Sénégal, son pays d’origine. Son père a écopé de deux ans de prison dont un mois ferme pour « mise en danger de la vie d’autrui ». Celui-ci avait payé le voyage à son fils, qui rêvait de devenir footballeur.
3/ Violente évacuation de la place de la République, à Paris
Lundi 23 novembre, des centaines de migrants ont été violemment évacués de la place de la République. Aidés par l’association Utopia 56, ces exilés avaient installé un campement en plein cœur de Paris après avoir été écartés du démantèlement du campement de Saint-Denis, quelques jours plus tôt.
Dans un déchaînement de violence, les forces de l’ordre ont retiré les tentes et dispersé sans ménagement leurs occupants. Ces images, qualifiées de « choquantes » par le ministre de l’Intérieur, ont provoqué une vague d’indignation et conduit à plusieurs enquêtes. Les associations ont quant à elles rappelé que « les violences policières contre les migrants étaient devenues la norme » en France.
4/ Des traversées de la Manche toujours plus nombreuses
En 2020, le nombre de migrants ayant tenté de traverser la Manche a considérablement augmenté. Depuis janvier, plus de 6 000 migrants ont essayé de rejoindre l’Angleterre à bord de canots pneumatiques, de paddles, de kayaks, voire à la nage avec uniquement des gilets de sauvetage.
Cette traversée n’est pas sans risque, près de 10 personnes sont mortes cette année en tentant d’atteindre les côtes britanniques. Une famille entière originaire d’Iran a péri en mer fin octobre : un homme de 35 ans, sa femme de 32 ans et leur trois enfants, dont un bébé de 15 mois. Selon les autorités françaises, les victimes ont été piégées dans le cockpit du bateau quand il a chaviré et coulé.
Face à cet afflux record et à l’augmentation des drames, de nouveaux accords ont été signés entre la France et l’Angleterre. Ils prévoient notamment de nouveaux moyens financiers et un renforcement des patrouilles dans la Manche.
5/ La Méditerranée, des naufrages loin des regards
En 2020, les missions des navires humanitaires en mer Méditerranée ont été peu nombreuses. Certains bateaux, à l’instar de l’Ocean Viking ou du Sea-Watch, ont bien effectué des opérations de sauvetage au large de la Libye mais ont été immédiatement immobilisés par les autorités italiennes au moment du débarquement des naufragés. Au moins cinq navires sont bloqués par l’Italie depuis cet été, pour des « irrégularités techniques ». Les ONG accusent Rome « d’entraves » au sauvetage des migrants en mer.
Pourtant l’absence de navire humanitaire n’empêche pas les traversées de la Méditerranée. Officiellement, près de 1 000 personnes sont mortes en mer en essayant de rejoindre l’Europe cette année, dont plus de 700 parties de Libye.
Mais combien de naufrages ont eu lieu sans avoir été répertoriés ? Les organisations internationales redoutent que le bilan des décès en 2020 soit plus élevé.
6/ Un nouveau pacte migratoire européen
La Commission européenne a présenté, mercredi 23 septembre, un nouveau »Pacte européen sur la migration et l’asile » pour trouver »des solutions pérennes » à la situation des migrants en Europe. Le texte prévoit notamment la fin du règlement de Dublin, le durcissement des renvois et l’accélération des procédures et les contrôles accrus aux frontières extérieures.
Plusieurs responsables politiques européens ont salué un pas dans la bonne direction, mais un grand nombre d’ONG ont accusé l’Union européenne de céder aux pays les plus hostiles à l’accueil des réfugiés.
Plusieurs chercheurs en migration, à l’instar du Belge François Gemenne, ont aussi laissé entendre leur scepticisme : « C’est un compromis entre la lâcheté et la xénophobie », a-t-il réagi, dénonçant « la même logique d’Europe forteresse ».
7/ Le quotidien des migrants impacté par le Covid-19
L’année 2020 a été profondément marquée par la crise du coronavirus. Que ce soit dans les pays de départ, de transit ou d’arrivée, le quotidien des migrants a été bouleversé par le Covid-19.
Dans les pays d’Afrique subsaharienne, la fermeture des frontières et l’absence de tourisme a provoqué une importante perte de revenus pour bon nombre de familles. Résultat : les jeunes, comme par exemple au Sénégal, sont de plus en plus nombreux à prendre des risques sur la route de l’exil.
L’autre conséquence de cette crise sanitaire est la famine et la malnutrition qui menacent des millions de réfugiés africains sur le continent, alertait en juillet l’ONU.
Dans les pays de transit, comme la Libye, le coronavirus et la fermeture des frontières ont isolé un peu plus les migrants. Les rapatriements dans les pays d’origine et les réinstallations dans des pays tiers ont été interrompus pendant de longs mois. « Malgré nos efforts pour maintenir les réinstallations, celles-ci ont été considérablement freinées et de très nombreux dossiers ont été mis en attente avec des conséquences évidentes sur la santé mentale de personnes concernées qui sont déjà vulnérables », expliquait à InfoMigrants le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés début décembre.
Enfin, dans les pays d’arrivées, les migrants ont été forcés de se confiner dans des camps, comme en Grèce par exemple. En France, beaucoup ont été oubliés des mesures sanitaires ou ont vu leur rendez-vous administratifs retardés en raison de la fermeture des institutions.