L’Eldorado gabonais touché par la conjoncture, selon des Sénégalais de Libreville
23 janvier 2017L’Eldorado gabonais touché par la conjoncture, selon des Sénégalais de Libreville
Présenté dans un passé récent comme un Eldorado, le Gabon, ce pays de l’Afrique équatoriale riche de ses énormes ressources énergétiques et minières, ressent les contrecoups de la baisse du prix du baril de pétrole, selon des ressortissants sénégalais qui y vivent depuis une vingtaine d’années au moins.
Interrogé sur la situation socio-économique du Gabon, Alassane Dia qui vit et travaille dans le business depuis une trentaine d’années, loue Allah en premier.
‘’Al Hamdoulilah mais ce n’est plus comme avant’’, confie ce commerçant arrivé dans ce pays dans les années 80.
‘’Maintenant, c’est trop dur, ce n’est plus comme avant’’, se désenchante Alassane, venu de son Fouta pour rejoindre des frères bien établis dans ce pays.
‘’Habituellement, je prends des marchandises que je place chez les clients et on a aussi une boutique dans le quartier’’, explique l’homme d’affaires qui est l’une des chevilles ouvrières du club des supporters du 12-ème douzième Gaïndé de Libreville.
Mbissane Diop qui s’est retrouvé au Gabon après la grève de la faim des sortants de l’Ecole Normale supérieure en 1997, reconnaît les difficultés économiques actuelles. Il n’en souligne pas que ‘’les salaires ici sont sans commune mesure avec ce qui se pratique au Sénégal’’.
Professeur de physique-chimie dans un collège à Libreville, la capitale, il a refusé de rentrer au Sénégal, contrairement à certains de ses collègues qui avaient répondu à l’appel au retour du président Abdoulaye Wade, à son accession à la magistrature suprême.
‘’J’ai préféré rester ici et travailler même si ce n’est pas évident avec l’éloignement de la famille, le surenchérissement du coût de la vie’’, explique l’enseignant.
Ousmane Guèye et Ibrahima Mbaye ont eux débarqué au Gabon au début des années 2000. Originaires de Thiaroye et de Guédiawaye, dans la banlieue dakaroise, ils disent se débrouiller.
‘’Au Gabon, comme on dit ça glisse maintenant’’, indique dans un phrasé local Guèye, qui est le secrétaire général du 12-ème Gaïndé de Libreville, chargé des NTIC.
Ancien candidat à un baccalauréat scientifique, il avait tout largué après son échec à ce diplôme pour tenter l’aventure au Gabon via la Côte d’Ivoire.
‘’Je ne me voyais pas rester au pays et devoir attendre qu’on me donne le petit déjeuner, le déjeuner et le dîner’’, rappelle avec fierté le trentenaire féru de nouvelles technologies.
Après avoir bossé pendant plusieurs années comme employé dans le commerce de son oncle, il s’est mis à son propre compte à travers une épicerie puis un magasin de prêt-à-porter avant de se faire emboucher dans une entreprise.
‘’Oui, j’ai tenté plusieurs expériences et c’est ce qui fait le charme de ce pays où on peut tenter beaucoup d’expériences en termes d’auto-emploi et d’entreprenariat’’, dit-il.
Passé aussi par la Côte d’Ivoire et le Cameroun, Ibrahima Mbaye, un couturier ‘’tombé au Gabon par hasard, dit avoir « connu meilleure situation’’ au pays d’Ali Bongo.
‘’Au temps du père Bongo (Omar Bongo Ondimba), c’était vraiment meilleur, les commandes s’enchaînaient. Maintenant, c’est un peu plus dur’’, indique le vice-président du 12-ème Gaïndé de Libreville qui a remporté le prix des supporters lors de Sénégal-Zimbabwe (2-0).
Née au Gabon de parents sénégalais, Mame Diallo Faye ouvre les yeux quand on lui parle d’Eldorado au Gabon.
Avec son accent typiquement local, celle qui est appelée abusivement ‘’la Gabonaise’’ par ses compatriotes et qui a monté une société de communication, songe à retourner au Sénégal pour vivre de son savoir.
‘’On ne se sent bien que chez soi, moi je ne me vois pas durer ici. Et c’est pourquoi, je n’ai jamais voulu prendre la nationalité gabonaise, même si je suis née ici’’, dit la Sénégalo-gabonaise qui fait de fréquents allers et retours au Sénégal.
La spécialiste de la communication, qui a grandi ‘’chez une tante Hal Pulaar’’ avant de se faire chouchouter dans une famille ‘’Mbacké-Mbacké’’, essaie de faire des efforts pour se fondre dans sa sénégalité.
‘’Et cette CAN 2017 est une grande opportunité pour rencontrer mes compatriotes et m’imbiber de culture sénégalaise’’, déclare-t-elle. Elle regrette néanmoins de ne pas pouvoir changer son accent qui l’empêche de se fondre plus facilement dans la communauté sénégalaise.
La jeune spécialiste de la communication qui a retroussé les manches et s’est mise à la cuisine, regrette de ne pouvoir faire valoir ses compétences après avoir pourtant pris contact avec des autorités du football sénégalais.
‘’J’ai tout fermé pour concevoir un concept autour de la Maison Sénégal mais tout est tombé à l’eau. Mais, n’empêche, je ne suis pas découragée d’autant plus que cette CAN me permet de vivre ma culture de Sénégalaise à plein temps’’, fait-elle remarquer.
Ses quatre autres compatriotes férus de football affichent eux aussi leur volonté d’être utiles à leur pays. Ils disent vivre actuellement un rêve avec les bons résultats des Lions.
‘’Pourvu que ça dure parce que nous aussi, on a envie de voir notre pays émarger parmi les pays ayant remporté la CAN’’, indique le passionné Alassane Dia. Il confie qu’il élève difficilement la voix quand certains de ses amis camerounais, ivoiriens et autres parlent de football.
‘’Ils me demandant de me taire parce que le Sénégal n’a rien gagné et j’espère et je prie pour que cette disette prenne fin au ici au Gabon avec la CAN 2017’’, a-t-il dit.
Auteur: Salif Diallo – APS