Alors que des cetaines de migrants, parmi lesquels de nombreux Rohingyas de Birmanie, dérivent en mer d’Andaman sans nourriture ni assistance, Eric Paulsen, le directeur de l’ONG malaisienne Lawyers for Liberty, rappelle les obligations auxquelles s’est engagée la Malaisie.
Migration en Asie
17 mai 2015Migrants en Asie : «La Malaisie doit réaliser que ces gens vont mourir en mer»
Le directeur de l'ONG Lawyers for Liberty rappelle que les migrants, pour beaucoup des Rohingyas persécutés en Birmanie, bénéficient d'une protection internationale qui engage les autorités de Kuala Lumpur.
Comment qualifiez-vous cette crise qui affecte toute l’Asie du Sud-Est depuis une semaine ?
C’est une catastrophe absolue, comme le montrent les quelques images et témoignages. Ces réfugiés ont été jetés à la mer, poussés vers l’Indonésie, la Malaisie avant de revenir vers la Thaïlande d’où ils ont été à nouveau expulsés. En définitive, ils sont des milliers à voguer sur les mers d’Asie, où on a décidé de les laisser mourir.
Comment expliquez-vous le fait que la Thaïlande, l’Indonésie et la Malaisie ne souhaitent pas secourir ces réfugiés et se contentent de leur donner des provisions en les refoulant ?
C’est le résultat d’une mentalité un peu folle et archaïque. Ces gouvernements estiment qu’en acceptant ces personnes et en montrant un peu de compassion, ils vont se faire submerger par un grand nombre de réfugiés. Cette vision est complètement erronée. Ces réfugiés ne sont pas des migrants illégaux ou économiques, mais bien des gens qui fuient pour survivre. Il y a parmi eux de nombreux Rohingyas qui sont persécutés depuis des décennies en Birmanie. Ce sont des faits établis, documentés et connus de tous, dorénavant. Ces migrants bénéficient d’une protection internationale. Même si la Malaisie n’a pas signé la Convention internationale sur le statut des réfugiés, elle a le devoir en tant que membre de la communauté internationale de secourir et d’aider à sauver ces personnes en mer, qui manquent de tout. Leur donner de l’eau et de la nourriture avant de les déporter n’est absolument pas suffisant. Je dirais même qu’il s’agit d’une très sérieuse entorse aux lois internationales. Évidemment, elle ne peut pas non plus les renvoyer en Birmanie au risque de les menacer à nouveau. J’ajoute que la Malaisie est signataire de la Convention sur les droits de l’enfant et de celle sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’encontre des femmes. Et d’après ce que montrent les images qui circulent depuis quelques jours, il y a beaucoup de femmes et d’enfants parmi les victimes. Là aussi, nous nous trouvons face à des atteintes répétées et nombreuses au droit international.
Qu’est-ce qui doit être fait dans les prochains jours pour éviter une grave crise humanitaire ?
Il faut d’abord secourir ces personnes, vite. La Malaisie doit comprendre et accepter le fait que la persécution des Rohingyas dure depuis des décennies. L’Association des Etats de l’Asie du Sud-est (Asean) n’a absolument rien fait pour y remédier. La Malaisie a bien sûr fait ce qu’elle pouvait en acceptant, d’une manière informelle, environ 50 000 personnes depuis plusieurs années. Le gouvernement malaisien doit maintenant réaliser que ces gens vont mourir en mer si l’on ne fait rien. Je l’exhorte à secourir ces personnes. Certains sont réfugiés, d’autres pas car il y a des migrants économiques en provenance du Bangladesh. Mais tous sont menacés, affamés, assoiffés, parfois malades. Il faut les sauver, les soigner. Nous ne disons pas qu’il faut laisser partir ensuite, les laisser circuler librement. Non, il faut bien sûr les enregistrer et les contrôler avec l’aide du Haut-commissariat aux réfugiés car la situation en Birmanie ne s’améliore absolument pas pour eux. La solution pour ces réfugiés est un accueil en Malaisie ou bien l’installation dans un autre Etat. Et cela prendra du temps.
La résolution du conflit est donc dans les mains du gouvernement malaisien, qui préside en ce moment l’Asean ?
Oui, à court terme. Il faut maintenant ramener toutes ces personnes sur le rivage, même si elles sont ensuite confinées dans des centres d’accueil. La priorité est de les nourrir, les soigner, puis de contrôler leur situation et leur statut. Et dans le même temps, le gouvernement doit commencer à réfléchir à une solution engageant l’Asean, qui dort depuis trop longtemps, ainsi que les Nations unies. Depuis bien trop longtemps, la Birmanie rejette des refugiés. Je parlerai d’un nettoyage ethnique qui s’apparente à un un lent génocide. Les Nations unies n’ont pas été assez actives avec la Birmanie qui doit maintenant rendre des comptes.