Le seul centre d’accueil de Lampedusa est totalement saturé. Mercredi, plus de 6 000 migrants y étaient hébergés, pour une capacité totale d’environ 400 places. Le maire de l’île italienne a déclaré l’état d’urgence, alors qu’il redoute de nouvelles arrivées dans les jours qui viennent.
Situation exceptionnelle à Lampedusa. L’île italienne a vu arriver environ 5 000 migrants, principalement d’Afrique subsaharienne, pour la seule journée de mardi 12 septembre. Le lendemain, ce sont plus de 3 000 exilés qui y ont débarqué. Au total une centaine de canots ont accosté à Lampedusa en 24 heures.
Une affluence qui a créé des scènes de chaos à l’embarcadère mardi. Sur des images diffusées sur les réseaux sociaux par des journalistes locaux, on aperçoit une file d’embarcations surchargées attendant de pouvoir entrer dans le port. D’autres vidéos montrent des exilés entassés à l’embarcadère, épuisés après une éprouvante traversée de la Méditerranée. Les policiers, munis de matraques et de boucliers, ont poussé violemment les migrants qui, retenus sous le soleil brûlant, demandaient d’être évacués. Certains sont tombés au sol.
La Croix-Rouge, présente au point de débarquement, s’est, elle aussi, montrée totalement débordée. Ne parvenant pas à atteindre la foule, l’ONG a jeté des bouteilles d’eau en direction du groupe.
État d’urgence
La situation est également très tendue dans le seul centre d’accueil de l’île. Plus de 6 000 personnes sont hébergées dans le hotspot, dont la capacité maximale est d’environ 400 places. Sur des vidéos publiées sur X (ex-Twitter), on voit des milliers de migrants, visiblement épuisés, l’air hagard.
Des bousculades ont eu lieu au moment de la distribution de nourriture organisée par la Croix-Rouge, qui gère la structure. Plusieurs centaines d’exilés se sont rassemblés pour accéder aux sacs contenant des vivres, de peur qu’il n’y en ait pas assez pour tout le monde. Certaines personnes sont tombées par terre et ont manqué de se faire piétiner.
La distribution de repas s’est finalement déroulée dans le calme, après une annonce de l’ONG affirmant avoir suffisamment de nourriture pour tous les exilés présents.
Dans de telles conditions, le maire de Lampedusa, Filippo Mannino, a décrété mercredi soir l’état d’urgence. « Nous réitérons ce que nous demandons depuis des mois, à savoir de l’aide et du soutien », a déclaré l’édile après une réunion du conseil municipal.
Sur X, le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, a assuré que Rome « fera tout ce qui est nécessaire pour aider les habitants de Lampedusa et les migrants qui continuent d’arriver sur l’île ». Depuis mercredi, le gouvernement de la Première ministre d’extrême droite Girogia Meloni tente de désengorger Lampedusa en multipliant les transferts vers d’autres villes du pays. Mais il faudra plusieurs jours pour mener à bien les rotations, et les autorités redoutent de nouvelles arrivées.
Des arrivées en forte hausse depuis janvier
L’île italienne est devenue depuis des années un lieu de débarquement pour des milliers de migrants cherchant à atteindre l’Europe depuis les côtes libyennes et tunisiennes. Si Lampedusa doit régulièrement faire face à un important flux – notamment l’été quand les conditions météorologiques sont plus propices aux traversées – elle n’a pas depuis longtemps été confrontée à un tel nombre d’arrivées en si peu de temps.
Il faut remonter à 2016, au plus fort de la crise migratoire, pour voir de telles scènes. Depuis le début de l’année, plus de 116 000 personnes ont débarqué en Italie, d’après les chiffres de l’Organisation internationale des migrations (OIM). Ils étaient environ 105 000 sur l’ensemble de l’année 2022.
Cette année, la Tunisie est devenue le principal pays de départs des migrants cherchant à traverser la Méditerranée. Parmi eux, les migrants subsahariens se sont multipliés après un discours en février du président tunisien Kaïs Saïed dénonçant l’arrivée de « hordes de migrants » clandestins venus, selon lui, « changer la composition démographique » de son pays. En juillet, beaucoup d’autres ont tenté de partir pour l’Italie après que des centaines d’Africains ont été chassés de Sfax, à la suite de la mort d’un Tunisien le 3 juillet dans une rixe entre migrants et habitants.
Les Subsahariens fuient en masse les violences en Tunisie, les départs en mer depuis Sfax explosent
Des milliers d’autres exilés ont été au même moment expulsés par les forces de sécurité vers des zones désertiques et inhabitées aux frontières avec Libye, à l’est, et Algérie, à l’ouest. Au moins 27 personnes sont mortes dans le désert tuniso-libyen, et 73 autres sont portées disparues.
Les Africains subsahariens ne sont pas les seuls à vouloir s’exiler en Europe. Chaque année, des milliers de Tunisiens prennent aussi la mer, pour fuir la crise politique et économique dans le pays.
Mais la route vers l’Europe reste particulièrement meurtrière. Depuis le début de l’année, plus de 2 000 personnes ont péri en Méditerranée centrale en tentant de rejoindre les côtes européennes, selon l’OIM. C’est plus que pour l’ensemble de l’année 2022 où un peu plus de 1 400 exilés sont morts noyés dans ces eaux.