En un an, seuls 1 500 demandeurs d’asile ont été relocalisés via le mécanisme de solidarité européen

En un an, seuls 1 500 demandeurs d’asile ont été relocalisés via le mécanisme de solidarité européen

15 juin 2023 Non Par Fatou Kane

 

Seuls 1 500 demandeurs d’asile arrivés en Europe via l’Italie, l’Espagne, l’Italie ou encore les Canaries ont été relocalisés vers d’autres pays européens dans le cadre du mécanisme de solidarité instauré en juin 2022. L’accord en prévoyait 8 000. « D’autres projets sont en préparation », assure la Commission européenne tout en reconnaissant un manque de solidarité européenne.

Annoncé le 11 juin 2022 par le ministre de l’Intérieur français, Gérald Darmanin, alors que la France occupait la présidence du Conseil de l’Union européenne, le mécanisme de solidarité européen a été mis en place dans le but de soutenir les pays en première ligne, comme l’Italie ou la Grèce, face à l’afflux de migrants rejoignant l’Europe.

Avec comme objectif initial de relocaliser 8 000 demandeurs d’asile, un an plus tard, le bilan est mitigé pour ce système de solidarité européen, selon des chiffres obtenus par Infomigrants.

Depuis juin dernier, 1457 relocalisations (32 transferts, au total) ont eu lieu depuis tous les pays MED5 – Chypre, Espagne, Grèce, Italie et Malte – vers l’Allemagne, la France, le Luxembourg, la Bulgarie, la Roumanie, la Finlande, le Portugal et la Croatie.

« On voit que ça n’a pas vraiment pris dans le sens ou les chiffres sont quand même bien en deçà de ce qui avait été annoncé en termes d’objectifs », commente Camille Le Coz, analyste à l’Institut des politiques migratoires.

De son côté, la Commission européenne, via un porte-parole, assure qu’un « nombre important d’engagements ont été pris, en particulier par l’Allemagne et la France » et que « d’autres relocalisations sont en préparation ». Toujours selon la Commission, « tous les pays participants ont convenu de poursuivre la mise en œuvre du mécanisme, afin […] de respecter leurs engagements [les 8 000 relocalisations] ».

Solidarité limitée

Depuis son lancement, le mécanisme, tout comme le précédent, fait face à des obstacles politiques nationaux. « L’accueil est différent en fonction des États. Et certains, comme la Belgique, les Pays-Bas ou même la France, ont des systèmes de réception déjà saturés et n’ont pas forcément la capacité pour accueillir plus en ce moment », ajoute Camille Le Coz.

Mais c’est aussi au niveau européen que la solidarité montre ses limites. En 2015, le premier traité mis en place suite à la crise migratoire rendait la participation des États obligatoire. Suite à des difficultés, dans celui adopté en juin dernier, seuls les États volontaires ont contribué car « certains pays ne voulaient pas participer ». Notamment les pays du Visegrad : République tchèque, Hongrie, Pologne, Slovaquie – coutumiers des prises de position anti-migrants.

« C’était compliqué d’obliger des États à participer alors que d’autres refusaient », explique Camille Le Coz. « Mais au moins, au lieu de perdre énormément de temps à essayer d’associer les réticents au projet, je pense que c’est plus productif d’avancer d’abord par solidarité », tempère l’analyste.

Une fois l’engagement des 8 000 relocalisations respecté, un nouvel accord sera-t-il signé ? Probablement pas. Même l’Italie, qui a pourtant bénéficié de « près des deux tiers » des relocalisations et qui est « le principal destinataire des fonds européens consacrés à la migration », selon le commissaire européen Johannes Hahn, ne souhaite pas poursuivre dans cette voie. « L’Italie ne soutient aucune hypothèse de relance du mécanisme de relocalisation en considération de l’échec de l’accord conclu par le précédent gouvernement en juin dernier, ni de formes de compensation économique, jugées infructueuses », a déclaré le ministre de l’Intérieur italien, Matteo Piantedosi.

Bruxelles appelle les États de l’UE à accueillir plus de demandeurs d’asile d’Italie

Selon le ministère de l’Intérieur, plus de 50 000 migrants sont arrivés en Italie au cours des cinq premiers mois de l’année, contre moins de 20 000 en 2022 au cours de la même période. Les nouvelles autorités italiennes sont davantage intéressées par « des initiatives visant à bloquer les départs et à augmenter les rapatriements » plutôt qu’à relocaliser, a ajouté le ministre.

Nouveau pacte sur la migration et l’asile

« Pas de commentaires », rétorque la Commission européenne qui veut mettre à profit les leçons tirées du mécanisme pour les négociations en cours autour du nouveau pacte européen sur la migration et l’asile.

Alors que les ministres européens de l’Intérieur ont réussi à trouver un accord jeudi 8 juin en vue d’une réforme de la politique d’asile de l’Union européenne, la Commission souhaite revenir à « un système de solidarité obligatoire dans le nouveau pacte sur la migration et l’asile ». Mais dans celui-ci, elle veut opter pour plus de flexibilité : « Les États membres pourront décider des mesures de solidarité. Ceux-ci peuvent varier entre la relocalisation, le soutien financier et opérationnel », précise un porte-parole à Infomigrants. La Commission espère ainsi convaincre plus facilement les plus réticents, comme la Hongrie ou la Pologne.

En outre, ce nouvel accord que les pays qui refuseraient d’accueillir des migrants devraient payer 20 000 euros pour chaque demandeur d’asile non relocalisé. Ces sommes seraient versées sur un fonds géré par la Commission et destiné à financer des projets liés à la gestion de la migration.