Des centaines de personnes ont manifesté samedi, à Paris, contre la loi asile et immigration étudiée actuellement au Sénat. Des rassemblements ont également eu lieu dans plusieurs autres villes françaises. Les manifestants ont dénoncé un climat de plus en plus hostile aux immigrés.
« Donnez les papiers », « Les préfectures, les OQTF, la loi Darmanin… On en a marre ! » ou encore « Ouvrez les frontières »… Des centaines de personnes étaient réunies à Paris, samedi 4 mars, pour manifester contre la loi asile et immigration. Le rassemblement a été organisé à l’appel du collectif « Uni.es contre une immigration jetable », créé en janvier 2006 en réaction à un projet de réforme du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) mené par Nicolas Sarkozy.
Dans le cortège, rythmé par les djembés et appels à la fermeture des centres de rétention, certaines personnes sont venues protester contre leur situation, comme Moussa Traoré qui estime n’avoir « aucun droit ». À ses côtés, Koffi, livreur pour une plateforme de livraison à domicile, regrette que son métier ne soit pas concerné par les titres de séjour « métiers en tension », l’une des principales mesures du projet de loi. « Pourtant, je travaille tous les jours. Pendant les confinements, nous avons travaillé, nous avons tout donné pour les Français », raconte ce Malien installé en France depuis 2018.
Plus loin, emmitouflée dans une doudoune verte qui lui descend jusqu’aux genoux, Marie-Chantal, ne comprend pas : comment pourrait-elle être régularisée si elle n’arrive pas à faire son dossier ? « Rien n’est prévu (dans la loi) pour faciliter l’accès aux préfectures« , gronde cette Camerounaise de 53 ans qui ne parvient pas à obtenir un rendez-vous pour faire sa demande de titre de séjour. Logée dans un hôtel grâce au 115, le Samu social de Paris, elle n’attend qu’une chose : pouvoir rejoindre un foyer ou obtenir son propre logement. « Je suis aide à domicile, j’ai des fiches de paie et la volonté de travailler, mais cela fait 5 ans que je suis en France et rien n’avance », confie-t-elle. « Alors que nous avons applaudi ces femmes à nos fenêtres durant la pandémie ! », réagit une femme dans le cortège en entendant son histoire.
« Une épée de Damoclès sur la tête de chaque étranger »
Derrière lens-papiers, ONG et associations battent également le pavé ce samedi. La Cimade, La Ligue des droits de l’Homme, des syndicats d’avocats et d’autres organisation, tous ont leurs griefs contre cette loi qui « fait peser une épée de Damoclès sur la tête de chaque étranger », selon Matthieu Pastor, de la Marche des solidarités.
Pêle-mêle, chacune des organisations dénoncent un aspect différent de la loi. Sur la régularisation des métiers dits « en tension », Cybèle David, du Syndicat Sud, réclame, avec FSU et Solidaires, un titre de séjour de plein droit pour tous les travailleurs. Une demande saluée par Aboubacar Dembele, du Collectif des travailleurs sans papiers de Vitry. Accompagné de dizaines de camarades habitués de ces manifestations, il compare les conditions de travail des sans-papiers à « de l’esclavage moderne ». « En gros, on va nous autoriser à faire seulement des métiers difficiles sans conditions de travail correctes. Et en plus, si on change de métier ou qu’on évolue dans une entreprise, on prend le risque que notre carte de séjour ne soit pas renouvelée », tempête-t-il.
« Le climat répressif en France est intense »
Sur les demandes d’asile, Orianne Andreini, avocate et coprésidente de la commission étrangers du syndicat des Avocats de France, regrette une loi qui se fait « au détriment des demandeurs d’asile et d’une justice de qualité ». « Avoir recours au juge unique à la Cour nationale du droit d’asile est une perte », estime-t-elle, soulignant l’importance de conserver un membre du Haut commissariat pour les réfugiés (HCR) dans cette instance.
« Plus le temps passe et plus le climat répressif en France est intense », résume entre deux danses Mariama, régularisée en 2011, avant de prendre la parole devant l’église Saint-Bernard. Symbole de la lutte des sans-papiers, c’est ici qu’en 1996, plusieurs centaines de manifestants africains avaient été expulsés après plusieurs semaines d’occupation lors d’un mouvement social qui avait mis un coup de projecteur sur la situation des sans-papiers en France.
D’autres marches avaient aussi lieu, samedi, dans toute la France comme à Metz, Nancy, Bordeaux, Toulouse ou Perpignan. Et d’ores et déjà, le collectif appelle à une nouvelle journée de mobilisation le 25 mars prochain.