La police espagnole a indiqué jeudi avoir arrêté 43 personnes, soupçonnées d’appartenir à un réseau d’exploitation de travailleurs migrants. Les victimes, en majorité des citoyens marocains, travaillaient plus de 12 heures par jour y compris pendant les périodes de canicule et étaient « logées dans des conditions inhumaines ».
Le réseau opérait en toute tranquillité depuis cinq ans. Quarante-trois de ses membres ont été arrêtés dans le sud de l’Espagne, en Andalousie, a annoncé la police dans un communiqué jeudi 5 janvier. Ces personnes sont soupçonnées d’avoir exploité plus d’une centaine de migrants, en majorité des Marocains, en les faisant « travailler illégalement » dans les exploitations agricoles de la région.
« Selon la saison, ils se consacraient à la collecte de citrons, de caroubes, d’olives ou d’autres produits de la région de la Sierra de las Nieves ou des environs de la commune de Coín, dans la vallée du Guadalhorce », indique le journal espagnol El Pais. Ces travailleurs, pour la plupart « des personnes sans papiers arrivées en Espagne par bateau », effectuaient des journées de travail de plus de 12 heures, en toute saison. Y compris à l’été 2022, durant les différentes canicules qu’a connu l’Andalousie, « mettant la vie de ces personnes en danger », affirme la police espagnole.
Les migrants étaient « logés dans des conditions inhumaines dans des maisons appartenant à l’organisation ». Sur une vidéo publiée par la police nationale, on peut voir certaines des chambres où vivaient les travailleurs : des pièces exigües aux murs décrépis, avec des matelas sales à même le sol.
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D’après El Pais, le leader du réseau est un citoyen marocain qui a fondé la première de ces deux sociétés en 2017 à Casarabonela, une petite ville d’un peu plus de 2 500 habitants située à l’ouest de Malaga. Ce dernier offrait les services de ses ouvriers agricoles à divers exploitants de la région, qui les engageaient « en pleine connaissance de cause », selon les agents de police.
Le réseau mafieux vendait également à prix d’or – entre 1 500 et 3 000 euros – de faux contrats de travail aux exilés, nécessaires à l’obtention d’un permis de séjour.
Ni eau, ni électricité
L’agriculture représente 20% du PIB de la province andalouse d’Almeria. La plupart des tomates, concombres, poivrons, pastèques et autres fraises qui garnissent les supermarchés d’Europe proviennent de ses 30 000 hectares de serres agricoles. Le secteur, très dynamique, attire de nombreux migrants à la recherche d’un emploi.
Mais les conditions de travail et de vie y sont, pour beaucoup, très mauvaises. Dans le camp de Nijar, près d’Almeria, les travailleurs vivent loin des villes, dans des abris de fortune. Ils y font face au quotidien sans eau courante, ni électricité. La plupart ne gagnent qu’une trentaine d’euros par mois.
En février 2021, ce bidonville qui abritait plus de 1 000 sans papiers a été en partie détruit par un incendie. La plupart des toits du camp de Nijar étant en plastique, la propagation des flammes a été rapide. Après le drame, 200 personnes s’étaient retrouvées sans abri.
Dans la région d’Huelva, plus à l’ouest du pays, environ 3 000 migrants vivent dans des campements informels similaires, où pullulent les champs de tomates et de fraises. Dans ces bidonvilles, les travailleurs sans papiers n’ont accès ni à l’eau ni à l’électricité. Les soins de santé sont inexistants et l’insalubrité omniprésente. « On vit comme des animaux », avait raconté en 2020 à InfoMigrants Seydou Diop, un Sénégalais de 28 ans qui travaillait depuis quatre ans dans les serres du sud du pays.
Malgré ces conditions de vie difficiles, l’Espagne constitue l’une des principales portes d’entrée de l’immigration africaine en Europe. Mais en 2022, les arrivées ont diminué de 25,6% par rapport à l’année précédente, avec 31 219 arrivées contre 41 945 en 2021, selon des chiffres publiés mardi par le ministère de l’Intérieur.