Guerre en Ukraine
« J’ai entendu les bombardements au loin. Après, tout le monde, les étrangers comme les Ukrainiens, est sorti de chez soi avec des valises. La situation est mouvementée, a raconté à InfoMigrants Izi, un étudiant congolais qui était à Kiev le jour où la guerre s’est déclenchée. Je vais aller prendre des affaires chez moi à Jytomyr. Je vais prendre un petit sac avec des habits, mon diplôme, mon ordinateur portable. Puis je vais partir vers Lviv ».
Le 24 février 2022, la Russie lance une offensive sur l’Ukraine, poussant des centaines de milliers de personnes – Ukrainiens comme étudiants étrangers – à fuir le pays. Très soudain, le coup de force fomenté par le président russe Vladimir Poutine surprend la population qui quitte le pays dans l’urgence, avec pour seuls biens, des valises, leurs animaux de compagnie et quelques objets précieux.
Drame de Melilla en Espagne
Des images amateurs filmées dans l’enclave espagnole de Melilla, côté marocain notamment, montrent un amoncellement de corps inertes gisant au sol. On y voit aussi des visages de migrants en souffrance et les coups de matraque distribués par des forces de l’ordre sur des hommes déjà à terre. « La police faisait tomber les gens des grillages, sans se soucier des blessures ou des fractures que les chutes causaient, » a raconté à InfoMigrants Nader, un Soudanais de 30 ans. « Et après ils les frappaient. Ils frappaient un migrant jusqu’à ce qu’il ne bouge plus, puis ils passaient à un autre. »
Le 24 juin 2022, près de 2 000 exilés, en majorité originaires du Soudan, ont tenté de pénétrer dans l’enclave espagnole de Melilla, située sur la côte nord du Maroc. Au moins 23 d’entre eux y perdent la vie. Si les autorités marocaines et espagnoles condamnent de concert la violence et l’agressivité des migrants, plusieurs rapports et enquêtes sur le déroulé des évènements de ce jour-là montrent une toute autre réalité.
Sauvetages en Méditerranée
Le 27 juin, le Geo Barents, le navire humanitaire de Médecins sans frontières (MSF), est appelé en urgence pour un sauvetage en mer Méditerranée. Arrivé sur place, la situation est très grave : le bateau de migrants est rempli d’eau et des personnes sont déjà à la mer. Parmi elles, un homme, avec « une masse sur son épaule », a raconté à InfoMigrants le photographe Michael Brunel, présent lors du sauvetage. « On a tout de suite récupéré le nourrisson. C’était l’urgence absolue. Quand on l’a sorti de l’eau, il ne respirait plus. »
Quelques minutes plus tard et après un massage cardiaque, le bébé a été réanimé. Ce jour-là, une trentaine de personnes ont péri, noyées en mer Méditerranée, confieront les rescapés. Selon le décompte de MSF, 71 personnes ont été secourues.
Violences dans les Balkans
En septembre, l’ONG serbe Klikaktiv a recueilli le témoignage d’un exilé marocain : l’homme a été battu par la police hongroise puis les garde-frontières ont trouvé une tondeuse dans son sac à dos. « Ils l’ont allumée, m’ont tenu fermement pour que je ne puisse pas bouger et m’ont dessiné une croix sur la tête. Puis ils ont commencé à rire en me donnant des coups de pied sur la tête », a-t-il expliqué, photo à l’appui.
Les violences aux frontières des pays des Balkans sont nombreuses. Notamment aux abords du mur hongrois, une double clôture barbelée de 160 kilomètres, où les migrants qui tentent de traverser subissent coups, morsures de chiens et humiliations diverses. En 2022, la route des Balkans est redevenue la principale voie migratoire vers l’Union européenne, avec une augmentation de 170 % des arrivées sur les dix premiers mois de 2022 par rapport à l’année dernière. D’après l’agence européenne de surveillance des frontières (Frontex), près de 139 000 personnes ont été contrôlées sur cette route depuis le début de l’année 2022.
Route de la Calabre
Dans la nuit du mercredi 5 au jeudi 6 octobre, un grand voilier transportant 95 personnes fait naufrage après avoir heurté des rochers de l’île de Cythère, au sud de la Grèce. Les secours, accompagnés de nombreux habitants, se précipitent pour venir en aide aux naufragés, en contre-bas de la falaise. Ils font descendre des cordes jusqu’à la mer afin de hisser les survivants, alors que le vent souffle en rafales à près de 100km/h. Quatre-vingt migrants ont ainsi été secourus, cinq sont morts et dix sont toujours portés disparus.
Ce bateau avait quitté la Turquie quelques jours plus tôt et n’avait pas prévu d’accoster en Grèce. Cette route migratoire, appelée « route de la Calabre », contourne la Grèce et ses îles pour arriver directement en Italie. Et ainsi éviter les nombreux pushbacks pratiqués par les garde-côtes grecs en mer Égée. Les cas de refoulements d’embarcations de migrants y sont nombreux, bien que les autorités grecques aient toujours nié y avoir recours.
Au Niger, l’errance des migrants refoulés d’Algérie
Lorsque InfoMigrants s’est rendu au Niger début novembre, près de 3 000 migrants erraient dans le petit village d’Assamaka, alors même que le camp de transit de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a une capacité de 1 000 personnes. La grande majorité d’entre eux – épuisés et souvent blessés lors de leur arrestation – dorment donc à la belle étoile, s’abritant comme ils le peuvent dans des hangars ouverts.
Ces exilés ont été expulsés d’Algérie, qui renvoie chaque année des milliers d’Africains subsahariens vers le Niger. Ces migrants sont abandonnés au lieu dit Point-Zéro, en plein Sahara, qui marque la frontière entre les deux pays. « On nous a abandonnés dans le désert à 2h du matin et nous avons dû marcher avec nos béquilles pendant des heures. Nous ne sommes arrivés à Assamaka qu’à 11h du matin », avait confié Alpha Mohamed à InfoMigrants, témoignant du calvaire vécu par ces exilés.
Route des Canaries
L’image est impressionnante. Trois hommes, vêtus légèrement, sont assis sur le gouvernail d’un pétrolier de 183 mètres, les pieds flottant à quelques centimètres de la surface de l’eau. Comparés au mastodonte sur lequel ils ont trouvé place, ils semblent minuscules et vulnérables. C’est dans ces conditions dangereuses, à l’air libre et à la merci des remous de la mer, que ces migrants nigérians ont voyagé clandestinement durant 11 jours, de la ville de Lagos, au Nigéria, à Las Palmas, sur l’île de Grande Canarie, en Espagne. Les trois migrants, brièvement hospitalisés à leur arrivée, ont demandé l’asile.
Depuis 2019 et l’intensification des patrouilles en mer Méditerranée, la route migratoire des côtes africaines aux îles Canaries est bien plus empruntée. Cette année, plus de 11 500 migrants ont réussi à atteindre l’archipel espagnol depuis l’Afrique, selon des chiffres du gouvernement espagnol, arrêtés au 15 septembre. Selon l’ONG Caminando fronteras, 978 personnes ont disparu en cherchant à rejoindre l’Espagne depuis les côtes marocaines et mauritaniennes au cours du seul premier semestre de 2022.
Naufrage dans la Manche
Dans la nuit du 13 au 14 décembre, quatre personnes – dont un adolescent – sont mortes dans le naufrage d’une embarcation au large de la ville britannique de Dungeness, dans la Manche. Une vidéo diffusée sur Sky News montre ces migrants, paniqués, tentant de monter sur un bateau de pêche qui passait dans la zone, en se hissant sur des cordes. Leur canot pneumatique noir est surchargé, dégonflé par endroit et il prend l’eau. Certains n’ont pas de gilet de sauvetage. Cette nuit-là, 43 personnes avaient tout de même pu être secourues.
En 2022, plus de 45 000 migrants ont effectué la dangereuse traversée dans ces eaux très fréquentées, un record. Et ce malgré la multitude de moyens répressifs déployés par Paris et Londres pour empêcher les exilés de prendre la mer.