Comme malheureusement chaque année, 2022 a été marqué par des drames et des violations de droits des exilés. Mais certaines belles histoires ont aussi émergé de l’actualité : des retrouvailles de familles séparées par l’exil, des initiatives pour guérir les exilés de leurs traumatismes ou encore de nouveaux outils pour aider les étrangers à défendre leurs droits.
L’année 2022 a commencé par un drame : le déclenchement de la guerre en Ukraine, le 24 février 2022. En quelques jours, le conflit a jeté sur les routes d’Europe des milliers de personnes – des femmes et des enfants en très grande majorité – qui cherchaient à quitter le pays pour sauver leur vie.
De nombreux pays d’Europe se sont montrés très accueillants avec les Ukrainiens et les initiatives pour faciliter l’hébergement des familles exilées ont fleuri. Parmi elles, la plateforme Ukraine take Shelter a été créée pour leur permettre de trouver un abri facilement.
Dans les pays européens où sont arrivés les Ukrainiens, certains réfugiés ont été touchés de reconnaître chez ces personnes un parcours d’exil qu’eux-mêmes avaient vécu quelques années auparavant. Cela a été le cas d’Anas Alturkey. Ce Syrien, réfugié en Allemagne après avoir fui la guerre dans son pays, a mis sa vie entre parenthèses pour accueillir des déplacés ukrainiens dans l’un des trois centres d’accueil que le gouvernement fédéral allemand a mis en place dans le pays depuis le début de la guerre.
Des initiatives pour favoriser l’insertion
C’est aussi pour faciliter l’accueil et l’installation des exilés dans leur pays d’accueil que de nombreuses initiatives positives ont vu le jour. InfoMigrants s’est penché sur plusieurs d’entre elles en 2022.
Cette année marquait notamment les dix ans de la création des classes UP2A pour « unité pédagogique pour élèves allophones arrivants ». Créé en 2012, le dispositif propose une prise en charge des élèves récemment arrivés en France ayant des difficultés en langue française, qu’ils aient suivi ou non une scolarité dans leur pays d’origine. Au cours de l’année 2018-2019, près de 68 000 élèves allophones [qui parlent une langue différente de celle de leur pays d’accueil] nouvellement arrivés en France en ont bénéficié, d’après des chiffres de l’Éducation nationale. InfoMigrants s’est rendu à Trappes (Yvelines) pour rencontrer les élèves de cette classe particulière qui partagent leur temps entre leur classe de référence (CP, CM1, CM2…, selon leur âge) et leur classe UP2A.
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Intégrer, c’est aussi parfois réparer et soigner. Pour venir en aide aux personnes yézidies martyrisées par l’organisation Etat islamique en Irak, Caritas a ouvert en Allemagne un centre d’accueil dédié à ces populations fragiles dans le ville de Bad Saarow. En plus de cours d’allemand, les résidents peuvent y bénéficier de séances d’art-thérapie, de yoga ou bien entamer une formation. InfoMigrants a rencontré plusieurs Yézidis réfugiés en Allemagne qui tentent de se reconstruire dans cette structure.
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À Quimper aussi, il est question de soigner des traumatismes. Dans cette ville de Bretagne, les bénévoles de l’association Le Temps Partagé proposent aux jeunes migrants de s’initier à la navigation de bateaux pour « les réconcilier avec l’océan ». Car pour beaucoup d’exilés arrivés en Europe en bateau, la mer et l’océan sont vus comme des dangers mortels et associés à des souvenirs douloureux. InfoMigrants est allé faire un tour en mer avec eux.
Se retrouver après l’exil
Aux difficultés du parcours d’exil s’associe souvent la douleur de la séparation de ses proches. Après presque deux ans de séparation, Maïmouna a retrouvé sa fille Yaya en juin 2022. Les retrouvailles pleines d’émotions de cette mère ivoirienne et de son enfant ont été immortalisées par des témoins de la scène.
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Maïmouna avait fuit la Côte d’Ivoire en 2018 avec, sous le bras, Yaya qui avait alors 7 ans. Les deux Ivoiriennes ont atteint le Maroc en 2019 et espéraient rejoindre rapidement la France, où le père de famille était installé depuis cinq ans après avoir fui son pays pour raisons politiques. Mais le coût de la traversée vers l’Espagne et la pandémie de Covid-19 retardent leur plan. En janvier 2021, la mère prend une décision radicale : elle fera le voyage sans sa fille et réussi à rejoindre Paris. En janvier 2022, c’est au tour de Yaya de prendre la mer depuis la ville de Laayoune, au sud du Maroc. Après des mois de démarches administratives, la mère et la fille ont enfin pu s’étreindre dans l’aéroport de Las Palmas.
Défendre ses droits
Pour pouvoir défendre ses droits, encore faut-il savoir que l’on en a. L’association Women for Women France s’est donné pour mission, avec son site internet lancé à l’été 2022, de faire connaître aux femmes étrangères leurs droits. L’interface disponible en 16 langues compile toutes les informations dont peuvent avoir besoin les femmes étrangères victimes de violences conjugales en France. Assistance juridique, aide financière mais aussi questions pratiques comme la garde d’enfants, tout est expliqué clairement sur le site et les informations sont vérifiées par des professionnels du secteur. InfoMigrants détaille le fonctionnement de ce nouvel outil au service des droits des femmes.
Défendre ses droits, c’est aussi souvent en appeler à la justice. Saisi par plusieurs associations qui viennent en aide aux migrants dans le nord de la France, le tribunal administratif de Lille a annulé, mi-octobre plusieurs arrêtés pris par la préfecture du Pas-de-Calais depuis 2020 qui interdisaient aux associations non mandatées par l’État de fournir de la nourriture et de l’eau aux migrants dans le centre de Calais, invoquant des « troubles à l’ordre public » et des « risques sanitaires ». La justice a souligné que « les distributions assurées par l’État », via une seule association mandatée, La Vie Active, « sont quantitativement insuffisantes » pour « assurer trois repas par jour à chaque personne », étant donné le nombre de migrants sur place. Les associations se sont réjouies de cette victoire mais souligne que « la ville est grillagée de partout ». « Depuis plusieurs années la mairie dispose aussi des gros rochers sur les espaces de vie ou de distribution pour nous empêcher d’y acheminer la nourriture avec nos voitures », rapportait en octobre une militante interrogée par InfoMigrants.
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