Des pêcheurs ont retrouvé, ce lundi matin, huit corps d’exilés au large de Zarzis, dans le sud de la Tunisie. Ces cadavres sont probablement ceux des passagers d’une embarcation partie le 21 septembre, et dont la disparition avait été signalée par la plateforme d’urgence Alarm Phone.
Huit corps de migrants ont été retrouvés, lundi 10 octobre, par des pêcheurs au large de Zarzis, dans le sud-est de la Tunisie. Ces cadavres sont probablement ceux des passagers tunisiens d’une « embarcation qui aurait coulé il y a deux semaines », a indiqué à l’AFP Mongi Slim, responsable du Croissant rouge à Médenine. Contacté par InfoMigrants, ce dernier appelle tout de même à la prudence. « Les corps ont passé plus de deux semaines dans l’eau, leur identification est donc très difficile. Il n’y a encore aucune certitude quant à leur nationalité, avance-t-il. Il ne faut pas oublier que tout au long de l’année, beaucoup de subsahariens aussi disparaissent en mer. »
D’après le responsable, des équipes de médecins légistes sont actuellement à Zarzis pour prélever des échantillons d’ADN sur les cadavres et les comparer avec ceux de leurs proches, afin de les identifier. Ceux-ci sont donc en cours d’examen génétique, a indiqué l’un des commandants des unités de recherches et président de l’association des marins Chamseddine Bourassine, à l’agence de presse tunisienne (TAP).
Les huit cadavres repêchés s’ajoutent aux trois corps retrouvés la semaine dernière sur le littoral sud. L’un d’eux, celui d’une femme échouée aux abords de l’île de Djerba, a déjà pu être identifié par sa famille.
Les garde-côtes tunisiens poursuivent toujours les recherches, pour retrouver d’autres passagers.
« Un réel manque de moyens »
D’après Hela, membre de la plateforme d’urgence Alarm Phone, contactée par InfoMigrants vendredi 7 octobre, 17 personnes au total – dont deux femmes et un bébé – avaient pris place dans ce bateau le 21 septembre dernier à 8h.
Les familles des exilés s’étaient rapidement inquiétées de ne pas avoir reçu de nouvelles de leurs proches au lendemain de leur départ. Le jour où l’embarcation disparue a été signalée à Alarm Phone, « les conditions météorologiques étaient très mauvaises », se souvient Hela.
Les jours qui ont suivi, il a été difficile pour la plateforme de savoir ce qu’il s’était passé, d’autant plus que personne ne disposait des coordonnées GPS du canot. « Nous avions contacté les garde-côtes, mais ils ne nous ont donné aucune information », a-t-elle déploré, vendredi. « En novembre 2021, on avait eu un cas similaire : les autorités n’avaient pas de position GPS, donc elles ne sont pas sorties en mer pour aller chercher l’embarcation, et beaucoup de gens sont morts. Souvent, ce sont les pêcheurs qui font le job que l’État doit faire. »
Depuis la semaine dernière à Zarzis, les familles des disparus manifestent pour réclamer davantage d’implication de la part des autorités dans la recherche des disparus. « C’est assez inédit que les familles mettent une telle pression, affirme Mongi Slim à InfoMigrants. Mais il faut reconnaître qu’il y a un réel manque de moyens. La police n’a même pas de drone pour survoler la mer. » Une « opération de ratissage » dans les eaux tunisiennes a d’ailleurs commencé le 7 octobre, initiée « par un certain nombre de citoyens à Zarzis et Djerba à la recherche des disparus », assure le site d’informations Tunisie Numérique. L’initiative a pour but de « soutenir les efforts des autorités officielles, gardes côtes et armée ».
Un contexte « propice aux départs »
Si la Tunisie est un pays de transit pour des milliers de migrants subsahariens, ses ressortissants remplissent eux aussi les canots qui prennent la mer direction l’Italie. Dans la nuit du 8 au 9 octobre, des agents de la garde nationale de Bizerte ont déjoué trois tentatives de migration clandestine à partir des côtes de la région de Sejnane. Dix-neuf individus, dont une jeune femme, tous de nationalité tunisienne, ont été arrêtés.
Au 10 octobre, sur 73 941 personnes arrivées en Italie depuis le début de l’année, 15 182 étaient tunisiennes, soit la deuxième nationalité des primo-arrivants, derrière l’Égypte.
Parmi les raisons qui poussent les Tunisiens à prendre tous les risques pour rejoindre l’Europe : une crise économique aigüe, qui empêche nombre d’entre eux d’y envisager un quelconque avenir. Après des années difficiles liées notamment aux attentats sur son sol et à la crise du Covid-19, la Tunisie compte désormais quatre millions de pauvres, sur une population de près de 12 millions d’habitants. Aux difficultés économiques s’ajoutent, depuis un peu plus d’un an, un tour de vis autoritaire orchestré par le président Kaïs Saïed, qui s’efforce de museler toute opposition. En juillet 2021, le chef d’État s’est arrogé les pleins pouvoirs en gelant ceux du Parlement, principale voix d’expression du débat politique depuis 2014. Depuis, il gouverne par décrets.
En Tunisie, des manifestations pour dénoncer « la folle hausse des prix »
Un état de faits dénoncé ces dernières semaines dans diverses manifestations, dans la région de Tunis. « Il est vrai que le contexte actuel est très difficile, et propice aux départs. Il y en a beaucoup cette année, surtout de jeunes Tunisiens », confirme Mongi Slim.
Début septembre, au moins douze personnes sont mortes noyées dans le naufrage de leur embarcation, au large des côtes de Chebba, dans le centre-est. Elles avaient pris place dans un canot aux côtés de 29 autres candidats à l’exil. Tous étaient de nationalité tunisienne.