Six cadavres supplémentaires ont été repêchés en mer, samedi, plus de deux jours après le naufrage d’un voilier sur les falaises de Cythère, au sud de la Grèce. Le bilan de ce drame s’élève désormais à 11 morts, alors que 80 personnes ont été secourues. Les 95 passagers, partis de Turquie, avaient espoir d’atteindre l’Italie.
Six corps supplémentaires ont été repêchés dans les eaux de l’île de Cythère, en Grèce, samedi 8 octobre, malgré les mauvaises conditions météo qui ont compliqué les recherches, ont annoncé les garde-côtes grecs. La veille, cinq corps avaient déjà été retrouvés dans cette zone, au sud du Péloponèse. Onze cadavres ont donc été récupérés jusqu’ici.
Ces personnes étaient passagères du voilier qui s’est brisé contre les falaises de cette île dans la nuit de mercredi à jeudi. Parti de Turquie lundi, il devait initialement rejoindre l’Italie en quelques jours. Mais d’après le témoignage d’un rescapé afghan recueilli par l’Associated Press, le capitaine du navire a perdu ses repères mercredi soir, alors que le vent soufflait en rafales allant jusqu’à 100 kilomètres à l’heure.
Au lieu de contourner l’île de Cythère, le voilier a été emporté dans une crique rocheuse entourée de falaises. Pris au piège, il s’est écrasé contre l’une d’entre elles, près de la plage de Diakofti. « Les vagues étaient trop hautes, environ six mètres », a décrit Abdul Ghafar Amur, un autre survivant originaire d’Afghanistan, à AP. « Nous avons essayé de sauver nos vies, mais la plupart de nos amis sont morts. »
Les passagers, venus principalement d’Irak, d’Iran et d’Afghanistan, ont été hissés avec un treuil par les secours, et pris en charge dans une école. D’impressionnantes images diffusées par les garde-côtes montrent des naufragés serrés les uns contre les autres, coincés entre une haute falaise et la mer, sur un étroit banc de sable. Au total, 80 personnes avaient été secourues.
L’un des rescapés, soupçonnés d’être un passeur, a été arrêté, a rapporté samedi la chaîne de télévision d’Etat Ert.
Le drame de Cythère est intervenu quelques heures avant un autre naufrage, au large de l’île de Lesbos cette fois. Au moins 18 personnes – 16 femmes, un adolescent de 15 ans et un homme adulte – y ont perdu la vie. Le corps de ce dernier a été repêché jeudi après-midi par des plongeurs de l’Agence de surveillance des frontières européennes (Frontex).
L’embarcation transportait 40 Somaliens, dont seulement dix portaient un gilet de sauvetage. Vingt-huit personnes au total ont été secourues.
« Mettre la pression sur la Turquie »
Pour les autorités grecques, les responsables de ces drames sont – comme à chaque naufrage – les passeurs et la Turquie. « Il faut mettre la pression sur la Turquie au niveau de l’UE pour empêcher les départs illégaux depuis ce pays, sinon les pertes humaines vont continuer », a assuré samedi le ministre des Migrations grec, Notis Mitarachi, à la conférence du MED5 à Paphos, qui réunit les cinq pays méditerranéens en première ligne pour l’accueil de migrants (Grèce, Espagne, Chypre, Malte et Italie).
« Une fois de plus, la tolérance de la Turquie envers les trafiquants impitoyables a coûté des vies humaines, avait déjà fustigé Giannis Plakiotakis, ministre de la marine marchande et de la politique insulaire, jeudi. Tant que les garde-côtes turcs n’empêcheront pas leurs activités, les trafiquants entasseront des personnes misérables, sans mesures de sécurité, dans des bateaux qui ne peuvent pas résister aux conditions météorologiques, mettant leur vie en danger de mort. »
Pour nombre d’ONG, ces accidents seraient en fait conséquents des nombreux pushbacks violents opérés en mer Égée par les garde-côtes grecs. De peur des refoulements, les migrants – et les passeurs – empruntent donc plus souvent cette année la route Calabraise, qui contourne les îles grecques pour rejoindre directement l’Italie.
Brian, un exilé camerounais cherchant à entrer en Grèce a été plusieurs fois refoulé en mer Égée. « Ils nous ont crié dessus et ont pointé leurs armes sur nous, avait-il raconté à InfoMigrants, après sa dernière tentative, en mai. Avec tous les passagers, on a été obligé de monter sur leur bateau. Ils nous ont ordonné de nous asseoir, les mains en l’air […] C’était vraiment horrible, j’ai eu très peur. J’ai pleuré. Je me demandais à quel moment ils allaient ouvrir le feu sur nous. » Début août, selon des témoignages recueillis par la plateforme d’urgence Alarm Phone, deux personnes auraient été portées disparues après un refoulement opéré par les garde-côtes grecs.