Mercredi, le corps d’une femme a été identifiée au milieu de deux autres sur une plage non loin de Zarzis, en Tunisie. Cette découverte confirme, selon le réseau Alarm Phone, le naufrage d’une embarcation disparue depuis quinze jours. Les proches des 17 candidats au départ qui se trouvaient à bord de cette embarcation avaient très vite donné l’alerte, mais aucune recherche n’avait abouti.
Trois corps ont été retrouvés le long du littoral sud-est de la Tunisie. Ce mercredi, l’un de ces corps, celui d’une femme repêchée aux abords de l’île de Djerba, a pu être identifiée par sa famille. Cette découverte confirme, selon le réseau Alarm Phone, le naufrage d’une embarcation transportant 17 personnes, disparue il y a près de quinze jours.
Ces 17 personnes étaient toutes parties le 21 septembre de Zarzis. « Ce sont des proches qui nous ont contacté pour nous signaler qu’il y avait eu ce départ le 21 septembre à 8h du matin », retrace Hela, membre d’Alarm Phone, jointe par Infomigrants. Les familles des migrants s’étaient inquiétées, 24 heures après le départ, de n’avoir aucune nouvelle de leurs proches.
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« En Tunisie, nous avons parfois des contacts directs avec des personnes à bord en détresse », explique Hela. « Mais généralement, ce sont les proches qui nous contactent après 24 ou 48 heures, parce qu’ils n’ont pas de nouvelles de leurs proches » – et ce, alors que la traversée jusqu’à la côte italienne est censée pouvoir se faire dans ce délai.
De leur côté, les autorités tunisiennes sont plus prudentes. Ce vendredi, le directeur régional de la Protection Civile de Médenine a indiqué que le corps féminin avait été transporté dans la morgue d’un hôpital de Djerba. Une enquête avec un médecin légiste, « seule autorité habilitée à déterminer l’identité du cadavre », a été ouverte, a-t-il indiqué à la presse.
Quatorze personnes disparues, dont une autre femme et un bébé
Le jour où l’embarcation disparue a été signalée à Alarm Phone, « les conditions météorologiques étaient très mauvaises », se souvient Hela. Mais le navire de Médecins sans Frontières (MSF) opérait dans la zone, et les familles gardaient espoir. « C’était confus. Elles ont cru, pendant un temps, que MSF avait pu les secourir. Or ce n’était pas le cas », s’attriste Hela.
Depuis lors, 14 personnes sont toujours portées disparues. On comptait, à bord, « deux femmes et un bébé », soulève Hela. Les familles avaient transmis leurs noms et leurs photographies, dans l’espoir qu’Alarm Phone retrouve leurs traces parmi les arrivées sur l’île italienne de Lampedusa.
Le réseau d’activistes a eu du mal à regrouper les informations, d’autant plus que personne ne disposait des coordonnées GPS du canot. « Nous avions contacté les garde-côtes, mais ils ne nous ont donné aucune information », déplore Hela. Pourtant, selon elle, « il y aurait eu d’autres moyens à déployer pour aller à leur recherche, d’autant que le signalement était très récent, juste un jour après le départ… »
Aujourd’hui, le directeur régional de la Protection Civile a assuré aux médias tunisiens que « la recherche du bateau disparu se poursuit ».
Les pêcheurs « font le job que l’État doit faire »
De manière générale, les garde-côtes tunisiens délivrent peu d’informations à l’équipe d’Alarm Phone. « Il n’y a pas de règle établie » dans la communication, explique Hela. Cela entraîne, selon elle, des lacunes dans la réactivité lorsqu’il faut mener des opérations de recherche et de sauvetage.
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« En novembre 2021, on avait eu un cas similaire : les autorités n’avaient pas de position GPS, donc elles ne sont pas sorties en mer pour aller chercher l’embarcation, et beaucoup de gens sont morts. Souvent, ce sont les pêcheurs qui font le job que l’État doit faire », conclut Hela.
« Je ne peux même pas calculer le nombre d’embarcations que j’ai vues, il y en a beaucoup trop », racontait en effet le pêcheur Slah Eddine Mcharek, basé à Zarzis, à nos équipes d’Infomigrants. Certains pêcheurs tunisiens ont même été formés au sauvetage en mer par Médecins sans frontières (MSF), en 2015, pour éviter les drames et assurer la sécurité des naufragés. « Mes collègues ont peur de secourir les migrants, car ils redoutent d’être accusés de jouer le rôle de passeurs », nous précisait néanmoins Slah Eddine Mcharek.
Le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES) comptabilise 507 migrants partis de Tunisie et morts ou disparus en mer depuis début 2022. Rien qu’entre août et mi-septembre, ce nombre concernait 78 candidats à la migration.
Interception de 44 migrants subsahariens au large de la Tunisie
L’Union européenne (UE) accorde à la Tunisie des aides économiques, en échange d’interceptions des départs de migrants de ses côtes. Mais malgré cela, les rivages tunisiens sont toujours le théâtre de départs organisés dans la clandestinité. Certaines tentatives de traversée atteignent leur but, malgré le danger de la route maritime : le FTDES recense 13 980 migrants tunisiens arrivés en Italie en 2022.