Un jeune homme âgé de 20 ans, originaire d’Erythrée, a été tué par des passeurs sur une plage libyenne juste avant d’embarquer sur un canot, selon les témoignages du groupe qui l’accompagnait. Son corps a été monté à bord, et a dérivé avec le reste des passagers en mer. Grâce à une opération de sauvetage mené par l’ONG espagnole Open Arms, il sera enterré en Italie.
Lors de son débarquement aujourd’hui au port de Messine, en Sicile, l’ONG espagnole Open Arms n’a pas fait que déposer à quai ses 420 passagers. Elle a également confié aux autorités sanitaires italiennes le corps de Wegihu, un jeune homme de 20 ans, originaire d’Érythrée. Celui-ci sera enterré sur le sol italien.
Son corps a été récupéré par l’équipe du navire Open Arms Uno lorsque celle-ci a porté secours à un groupe de 59 naufragés, dans les eaux internationales au large de la Tunisie, dimanche. « Lorsque nous rencontrons un corps sur une opération de sauvetage comme celle-là, nous nous occupons évidemment en priorité des survivants. Ensuite, une partie d’entre nous est envoyée avec l’équipement adéquat pour manipuler le corps, dont un sac pour l’envelopper », explique Mauro Di Si, coordinateur de la SAR dans l’équipage, joint par Infomigrants.
Recouvert d’une couverture, le corps de Wegihu a navigué pendant près de deux jours avec ce groupe de 59 migrants, parti des côtes libyennes.
C’est juste avant leur départ, sur une plage libyenne, que Wegihu aurait été tué. « Certains des survivants à bord nous ont raconté qu’au moment où ils allaient embarquer en Libye, le passeur l’a frappé si fort qu’il a perdu la vie, puis les aurait forcé à emporter son corps avec eux sur l’embarcation », relate l’ONG Open Arms.
« Nous avons reçu différentes versions, sans pouvoir les confirmer », soupire Mauro Di Si. À bord, Open Arms dispose d’une équipe médicale. « Cette équipe établit des certificats de décès, et tente d’identifier les causes de la mort lorsqu’elle le peut », indique le coordinateur. Cette fois, impossible d’identifier avec précision ces causes, du fait de l’état du corps, resté trop longtemps à la dérive.
L’équipage maintient les cadavres, à bord, dans un espace ventilé qui fait office de morgue. Mais « dans cette période de l’année, c’est difficile de garder un corps à bord, même si nous avons cet espace ventilé », souligne aussi Mauro Di Si.
« Apporter la paix à la famille »
Les 59 naufragés (originaires de Syrie, du Soudan et d’Érythrée) et le corps de Wehigu avaient été récupérés après avoir heurté une plate-forme pétrolière. Selon Óscar Camps, le directeur d’Open Arms, cité par Publico, ce type d’accidents au niveau des plates-formes pétrolières en pleine mer n’est pas rare. « Au crépuscule, on peut voir leurs lumières à quelques kilomètres des côtes libyennes. On leur dit que c’est l’Europe, et lorsqu’ils arrivent, ils découvrent que ce n’est pas le cas, qu’ils ont encore la moitié du chemin à faire », raconte-t-il.
Méditerranée : le navire Open Arms Uno porte secours à 402 migrants
En découvrant le corps, l’équipe de sauvetage n’a pas hésité une seconde. « Je ne pense pas qu’il faille laisser quiconque en mer. Dès que nous le pouvons, nous récupérons les corps. Nous avons transporté jusqu’à 14 cadavres à bord », indique Óscar Camps au média espagnol.
« Nous tentons de rendre la dignité à toute personne, y compris celles décédées en mer », abonde auprès d’Infomigrants Mauro Di Si. « Nous essayons ainsi d’apporter la paix à la famille, qui, au moins, peut savoir ce qu’il s’est passé avec leur proche… »
Dans le cas de Wehigu, comme à chaque fois, l’équipage a pris contact avec le Comité international de la Croix-Rouge, qui fait un travail de recherche des proches de personnes disparues et décédées sur les routes migratoires.
Selon les données de l’Organisation internationale des migrations (OIM), au moins 1 039 personnes ont péri dans les eaux de la Méditerranée centrale depuis le début de l’année, en tentant de rejoindre les côtes européennes. Et depuis 2014, date du premier recensement, ce chiffre atteint 19 884 morts ou disparus.