L’ONG Aegean boat report s’est procurée la vidéo du refoulement d’un bateau de migrants survenu dimanche, au large de l’île grecque de Rhodes. Les images montrent des hommes en uniforme et cagoulés qui effectuent, avec leur embarcation, des manœuvres pour repousser le bateau d’exilés. L’ONG affirme qu’il s’agit d’un navire appartenant à des garde-côtes stationnés à Rhodes.
L’image est parfois trouble mais la scène reste identifiable. Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, dimanche 18 septembre, par l’ONG norvégienne Aegean Boat Report, un groupe d’hommes cagoulés et en uniforme noir effectue des manœuvres à bord d’un bateau gonflable pour en repousser un autre.
C’est sur cette seconde embarcation que se trouve la personne qui filme la scène, alors qu’elle tentait d’atteindre l’île grecque de Rhodes, en compagnie de plusieurs autres exilés. Selon Aegean Boat Report, l’incident s’est déroulé dimanche, entre Rhodes et les côtes turques.
« Les Grecs veulent nous faire chavirer », crie un homme en arabe alors que le bateau semble se faire heurter à plusieurs reprises par l’embarcation des hommes cagoulés. Aegean Boat Report affirme avoir formellement identifié un équipage de garde-côtes grecs.
« Dans la vidéo, on peut clairement voir trois hommes masqués, dans ce qui semble être des uniformes de la marine grecque, dans un semi-rigide appartenant aux garde-côtes grecs. Pour rendre la chose encore plus évidente, le numéro d’identification du bateau est visible, ΛΣ-1037, ce qui confirme qu’il s’agit bien d’un semi-rigide des garde-côtes grecs stationné à Rhodes », a détaillé l’ONG dans un post Facebook publié dimanche soir.
L’appartenance du bateau à la flotte des garde-côtes grecs a été confirmée, lundi, par le compte Twitter SARwatchMED qui suit les opérations de sauvetage d’exilés en Méditerranée et a pu retrouver la trace du bateau de la vidéo dans une publication sur un exercice des garde-côtes de Rhodes mené en 2018.
« Un bateau a foncé droit sur nous »
Les cas de refoulements d’embarcations de migrants sont nombreux en mer Égée, bien que les autorités grecques aient toujours nié y avoir recours. InfoMigrants a déjà collecté plusieurs témoignages d’exilés affirmant avoir été victimes de refoulements.
Brian, un Camerounais parti avec d’autres migrants de Turquie, avait expliqué à InfoMigrants en mai dernier que son bateau avait été repoussé alors qu’il approchait l’île de Samos. « On allait accoster tranquillement mais soudain, un bateau tout blanc a foncé droit sur nous. Dessus, il y avait un insigne en forme de drapeau grec, et un autre de l’Union européenne [Frontex, ndlr]. Quand il est arrivé près de nous, ça a fait des vagues, notre embarcation a tangué. À son bord, il y avait trois hommes en uniforme. Deux avaient des masques sur le visage, on ne voyait que leurs yeux. Ils nous ont crié dessus et ont pointé leurs armes sur nous. Ils nous ont ordonné d’éteindre le moteur », avait-il décrit.
Brian et les autres exilés ont ensuite été forcés de monter dans un bateau des garde-côtes grecs. Celui-ci les a emmenés dans les eaux territoriales turques, avant de les obliger à rejoindre l’embarcation à bord de laquelle ils avaient été interpellés et que les Grecs avaient transportée jusque-là.
Six morts
Parfois, l’issue de ces refoulements est tragique. Le 13 septembre, les corps sans vie de six personnes – deux nourrissons, trois enfants et une femme – ont été retrouvés en mer Égée. Toutes faisaient partie d’un groupe de près de 80 migrants refoulé par les garde-côtes grecs, selon un communiqué du ministère turc de l’Intérieur.
« Après avoir été pris à bord d’un bateau des garde-côtes grecs et dépouillés de leurs biens de valeur, ils ont été placés à bord de quatre embarcations et abandonnés à la dérive à proximité des eaux territoriales turques », relate un garde-côtes turc dans ce communiqué, s’appuyant sur les témoignages des survivants.
Début août, la plateforme d’alerte Alarm Phone avait révélé que deux personnes avaient disparu en mer Égée, en juillet, après que leur embarcation avait été refoulée par des garde-côtes grecs. Elles étaient initialement parties de Bodrum, en Turquie, en compagnie d’un groupe d’autres migrants, afin de rejoindre l’île de Rhodes, en Grèce. De là, elles espéraient pouvoir rejoindre l’Europe. Sur une embarcation de fortune, le petit équipage était parvenu à atteindre le village de Soroni, sur la côte ouest de l’île de Rhodes. Mais, à leur arrivée, le groupe avait été interpellé par la police grecque.
Selon le témoignage d’exilés ayant vécu la scène, la police grecque les aurait ensuite « jetés à la mer » sur une embarcation de fortune. Le groupe a dérivé trois jours avant d’être finalement secouru par les garde-côtes turcs.
En 2021, l’ONG norvégienne Aegean Boat Report a comptabilisé 629 cas de refoulements illégaux de migrants depuis les îles de la mer Égée, dont plus de la moitié à Lesbos et à Samos. Depuis mars 2020, près de 26 000 personnes ont été refoulées illégalement du territoire grec, estime l’organisation.