Alors que le gouvernement grec est régulièrement mis en cause sur la question des refoulements vers la Turquie, le ministre grec des Migrations, Notis Mitarachi, a répondu aux questions d’InfoMigrants. Il défend ces pratiques en affirmant que la Turquie est un pays sûr pour les migrants. Entretien.
Des ONG et médias dénoncent les tensions à la frontière entre la Grèce et la Turquie, notamment en mer Égée. Comment les personnes souhaitant demander l’asile peuvent être identifiées si tout le monde est renvoyé ou refoulé en Turquie ?
Notis Mitarachi : Si les personnes viennent en Turquie, alors elles peuvent rester là-bas. C’est un pays sûr pour les personnes qui viennent du Bangladesh, par exemple.
En juin 2021, Athènes a déclaré la Turquie « pays tiers sûr » pour les migrants originaires de Syrie, d’Afghanistan, du Pakistan, du Bangladesh et de Somalie. Les personnes venant de ces pays et entrant en Grèce se voient, depuis, systématiquement refuser l’asile au motif qu’elles devraient déposer leur demande en Turquie.
Or, la situation dans le pays est compliquée pour les demandeurs d’asile extra-européens. Ankara, qui a ratifié la Convention de Genève de 1951, n’a en effet jamais levé la réserve géographique
qui y était associée. De ce fait, seuls les individus contraints de se réfugier en Turquie à la suite d’événements survenus en Europe peuvent jouir des droits et de la protection prévus au titre de la Convention, précise le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
Les personnes n’ont pas besoin d’entrer en Grèce ou dans l’Union européenne. Etre éligible à une protection internationale ne signifie pas que vous avez le droit de vous rendre dans n’importe quel pays. Vous devez aller dans le premier pays sûr que vous pouvez atteindre pour y demander l’asile.
IM : Et pour les personnes originaires de pays africains ?
NM : La Grèce n’a pas de frontière avec l’Afrique donc si des personnes ont besoin de protection en Afrique, la Grèce ne devrait pas être la première destination.
IM : Il y a quelques jours, le camp d’Eleonas, à Athènes, a commencé à être évacué. Vous avez déclaré que la structure sera définitivement fermée d’ici novembre ou décembre. Comment allez-vous vous y prendre ?
NM : Nous avons déjà fermé 87 camps au total. Nous avons eu jusqu’à 121 lieux de vie [pour migrants, ndlr]. Maintenant nous n’en utilisons que 34 car le nombre de personnes est bien en-dessous de la capacité des centres. Nous fermons les camps les plus vieux, ceux qui arrivent en fin de vie.
Eleonas a été ouvert il y a des années. C’est une vieille structure et le quartier entier dans lequel il se trouve est en train d’être réaménagé. Par ailleurs, le propriétaire du terrain, la municipalité d’Athènes, a demandé à le récupérer.
99 % des personnes sont très contentes de s’installer dans un autre camp. Un très petit nombre de personnes causent des troubles. Ce n’est pas une manière correcte de se comporter dans un pays où vous êtes venu demander l’asile.
IM : Planifiez-vous de fermer d’autres camps ?
NM : Nous améliorons les camps. De nouveaux doivent être créés. Les camps n’ont pas une durée de vie infinie. Les équipements, les containeurs, tout cela devient obsolète au bout d’un moment.
Donc, oui, le temps passe et les camps ouvrent et ferment. Nous en fermerons d’autres s’ils ne sont plus nécessaires. Nous avons créé un nouveau système d’accueil aux points d’entrées dans le pays, dans la région de l’Evros et sur les îles, pour distinguer rapidement les personnes qui demandent l’asile et méritent la protection internationale de celles pour qui ce n’est pas le cas.
Il faut être très clair sur le fait que la Grèce est très stricte vis-à-vis des personnes qui entrent illégalement dans le pays. Si les personnes veulent venir en Grèce pour travailler, elles doivent venir dans le cadre d’un accord bilatéral sur l’emploi saisonnier comme celui que nous avons conclu avec le Bangladesh.
La Grèce et le Bangladesh ont signé il y a environ six mois un accord pour délivrer des visas de travail temporaires à 4 000 ressortissants bangladais chaque année. Dans le cadre du même programme, jusqu’à 15 000 Bangladais sans-papiers travaillant déjà en Grèce verront leur statut légalisé.