Travailler légalement peut s’avérer être un véritable parcours du combattant pour les migrants installés en Espagne. Une situation qui pourrait quelque peu s’améliorer avec l’entrée en vigueur d’une réforme facilitant l’obtention d’un permis de travail et d’un titre de séjour pour les exilés.
L’Espagne fait un pas de plus pour l’intégration des migrants sur son territoire. Approuvée par le gouvernement espagnol et prévue pour une entrée en vigueur d’ici la fin du mois d’août, une vaste réforme entend faciliter l’entrée sur le marché du travail et l’installation légale de milliers de personnes étrangères dans le pays.
Parmi les objectifs de cette nouvelle législation : pallier le manque de main-d’œuvre dans certains secteurs clés de l’économie espagnole, mais aussi sortir du « cercle vicieux bureaucratique » avec lequel se battent de nombreux exilés, explique la BBC. Jusque-là, ces derniers ne pouvaient travailler légalement sans présenter de titre de séjour. Mais il leur était impossible, dans le même temps, de prétendre à ce titre de séjour sans justifier d’un travail légal.
Voici les changements majeurs apportés par la réforme :
1. Pour les migrants en situation irrégulière
Les exilés en situation irrégulière mais qui peuvent justifier d’un séjour dans le pays d’au moins deux ans pourront obtenir un titre de séjour de 12 mois, à une condition : effectuer une formation dans les secteurs qui manquent de main-d’œuvre. À savoir, le tourisme, les transports, l’agriculture et la construction.
À cause de la législation qui primait jusqu’ici, les personnes arrivées en Espagne en situation irrégulière mettent, en moyenne, sept ans et demi pour obtenir un titre de séjour, a révélé début juillet, le ministre des Migrations José Luis Escrivá. En cause ? Un système de régularisation complexe, qui exigeait entre autres une présence dans le pays de trois ans minimum, et la présentation d’un contrat de travail d’un an de 40 heures par semaine.
Des critères dans les faits très compliqués à remplir pour les migrants ; et qui donc, disparaissent avec la réforme. Celle-ci pourrait profiter à plus de 30 000 personnes.
L’Espagne est le sixième pays de l’Union européenne (UE) qui compte le plus de migrants en situation irrégulière.
2. Pour les travailleurs saisonniers
Pour les rendre plus attractifs, et surtout pour améliorer les conditions de vie des travailleurs saisonniers, les dispositions relatives à ce type de contrats de travail ont été élargies. Les personnes étrangères intéressées pourront désormais demander une autorisation de travail de quatre ans. Ce document permet à la personne concernée de travailler jusqu’à neuf mois par an, mais elle aura l’obligation de rentrer dans son pays après chaque saison de récolte.
Au bout de quatre ans, s’ils remplissent toutes les conditions demandées, les travailleurs pourront demander un permis de travail et de séjour de deux ans.
À noter que la réforme prévoit aussi d’actualiser tous les trois mois une liste d’employeurs espagnols qui rencontrent des difficultés à trouver du personnel. Et ce, afin de faciliter l’embauche et de la rendre plus rapide.
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Dans certaines régions agricoles d’Espagne, la situation des travailleurs sans papiers est déplorable. Environ 3 000 migrants vivent dans des campements informels situés dans la région d’Huelva, dans le sud-ouest du pays, où pullulent les champs de tomates et de fraises. Dans ces bidonvilles, les travailleurs sans-papiers n’ont accès ni à l’eau ni à l’électricité. Les soins de santé sont inexistants et l’insalubrité omniprésente. « On vit comme des animaux », avait raconté en 2020 à InfoMigrants Seydou Diop, un Sénégalais de 28 ans qui travaillait depuis quatre ans dans les serres du sud du pays.
3. Pour les personnes concernées par le regroupement familial
La nouvelle loi apporte un changement fondamental pour les migrants concernés, car le titre de séjour acquis par le procédé du regroupement familial inclut désormais un permis de travail.
Avant la réforme, ceci était impossible : les personnes nouvellement arrivées en Espagne pour rejoindre leurs proches avaient l’interdiction de travailler immédiatement. Il leur fallait attendre plusieurs mois avant de s’engager dans quelque emploi que ce soit.
Les critères pour bénéficier du regroupement familial ont, par ailleurs, été assouplis pour les mineurs, les personnes en situation de handicap et de vulnérabilité.
4. Pour les étudiants étrangers
La réforme autorise désormais les étudiants étrangers à travailler tout en poursuivant leurs études, à hauteur de 30 heures par semaine maximum. Là encore, ceci était jusqu’ici impossible. Une fois leur diplôme obtenu, les personnes dans ce cas pourront rester une année de plus en Espagne, sans avoir à demander un permis de travail.
Une nouvelle réconfortante pour les jeunes, mais aussi utile à l’économie espagnole, qui pourra « bénéficier du talent des étudiants étrangers formés au sein de ses universités », s’enthousiasme Gemma Pinyol Jimenez, chercheuse spécialiste de la migration interrogée par la BBC.
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Avec cette nouvelle loi, l’Espagne semble garder le cap qu’elle s’est fixée il y a peu : celui d’assouplir encore un peu plus ses critères d’accueil aux migrants. En octobre 2021, une autre réforme avait été promulguée pour faciliter l’obtention de titres de séjour pour les mineurs et les jeunes étrangers. Les délais de traitement des dossiers ont été raccourcis, les renouvellements des permis de séjour facilités, ainsi que l’accès au travail des mineurs devenus majeurs. La mesure peut profiter actuellement à 7 000 migrants.
Bien que ces réformes soient dans leur ensemble bienvenues, pour certains experts, elles restent tout de même limitées. Car le gouvernement de Pedro Sanchez estime que le pays doit accueillir au moins 200 000 migrants chaque année pour compenser les départs à la retraite de sa population vieillissante. En 20 ans, le nombre de travailleurs étrangers est passé de 1,4 à 2,4 millions, soit une moyenne de 70 000 tous les ans, selon l’Institut espagnol de la statistique (INE). Des chiffres bien au-delà de ceux des personnes concernées par la nouvelle législation.