L’entreprise française entend préserver la vie des migrants en retirant de certains de ses magasins la vente de kayaks. Ces derniers sont parfois achetés par les passeurs et utilisés par les exilés pour tenter la traversée de la Manche. Une initiative « humaniste » saluée par le maire de Grande-Synthe, mais qui ne résoudra pas le problème de la vente en ligne, très utilisée par les trafiquants.
Les kayaks pouvant être utilisés par des migrants pour traverser la Manche ont été retirés de la vente dans les Décathlon de Calais (Pas-de-Calais) et Grande-Synthe (Nord), a-t-on appris via un communiqué de l’entreprise française. « Les risques [que les exilés] prennent sont considérables, ce qui nous amène à retirer la totalité de ces produits de la vente en magasin dans tous les sites de la Côte d’Opale », peut-on y lire.
« L’achat de ces kayaks ne sera plus possible […] en réaction avec le contexte actuel », a également déclaré le service de presse de Décathlon à l’AFP. Ces articles sont « détournés de leur usage sportif » pour permettre des traversées de la Manche, ce qui « n’est pas la conception qui est donnée à ces produits, ni leur utilité première ».
D’autres magasins à Boulogne-sur-Mer et au Touquet sont également concernés par la mesure.
« Mettre en danger la vie des gens »
L’enseigne spécialisée dans les articles de sports justifie ce retrait par un usage qui « pourrait mettre en danger la vie des gens qui les utilisent dans le cadre d’une traversée. » Elle indique que la décision a été prise « au magasin » et « validée par l’entreprise ».
L’initiative a été saluée par le maire de Grande-Synthe, Martial Beyaert. « Je salue la décision de Décathlon qui fait preuve d’humanisme puisqu’ils ont pris la décision de retirer de la vente des kayaks […] Les faits sont que les personnes passent avec des bateaux sommaires ou des kayaks », a-t-il déclaré sur BFM-TV.
De nombreux migrants tentent chaque jour de rejoindre l’Angleterre en passant par la Manche dans des conditions dangereuses, souvent au péril de leur vie, à bord d’embarcations inadaptées pour de telles traversées, comme des canots en plastique, des jet-skis ou des kayaks.
« Des colis dans les dunes de sable »
Mais le retrait en magasin suffira-t-il à endiguer le phénomène ? Ces bateaux sont, très souvent, achetés en ligne par les passeurs. Le mois dernier, Jean-Luc Dubaele, le maire de Wimereux, non loin de Boulogne-sur-Mer, d’où partent les migrants en quête d’Angleterre, expliquait à InfoMigrants le fonctionnement : « Les trafiquants achètent des canots en kits sur internet [….] Ils déposent les colis dans les dunes sur la plage et les migrants les récupèrent à la nuit tombée. »
Les passeurs envoient par SMS les coordonnées GPS du colis. « [Les migrants] ouvrent les cartons sur le lieu de réception, assemblent les pièces et prennent la mer rapidement après », détaillait-il. Dans les collines de sable de Wimereux, le mois dernier, de nombreux cartons, déchets plastique et de canots abandonnés attestaient toujours de ce modus operandi.
Vendredi, trois migrants ont été portés disparus après avoir tenté de traverser la Manche sur des kayaks pour gagner l’Angleterre, dans un contexte de nouveau record des traversées de la Manche à bord de petites embarcations. Deux kayaks avaient été trouvés à la dérive au large de Calais, jeudi, et deux naufragés secourus par la gendarmerie.
La préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord a également indiqué que 272 naufragés avaient été secourus, mardi 16 novembre, lors d’opérations de sauvetage en mer. La préfecture n’a pas précisé le type d’embarcations utilisées par les migrants pour traverser le bras de mer qui sépare la France de l’Angleterre.