Une famille syrienne poursuit Frontex en justice pour son renvoi par avion de la Grèce vers la Turquie
22 octobre 2021La Cour européenne de justice a été saisie, mercredi, pour le renvoi illégal en 2016 d’une famille syrienne de la Grèce vers la Turquie. Frontex, l’agence des garde-frontières européenne, est accusée d’avoir expulsé par avion cette famille, en pleine procédure de demande d’asile, en lui faisant croire qu’elle allait à Athènes.
Un cabinet néerlandais d’avocats spécialisés dans la défense des droits de l’homme a annoncé, mercredi 20 octobre, qu’il avait intenté une action en justice contre Frontex, l’agence européenne de protection des frontières, pour le renvoi illégal d’une famille syrienne, demandeuse d’asile, depuis la Grèce vers la Turquie.
L’histoire remonte à 5 ans, presque jour pour jour, raconte le Guardian, quand une famille originaire de Syrie et résidant sur l’île grecque de Kos, a été mise dans un avion et expulsée vers la Turquie alors qu’elle avait lancé une procédure de demande d’asile en Grèce.
Les parents et les quatre enfants (âgés de 1 à 7 ans) – dont l’identité reste secrète pour des raisons de sécurité – affirment avoir été piégés par des fonctionnaires de l’UE et de la Grèce, qui leur ont fait croire qu’ils seraient transportés par avion jusqu’à Athènes alors qu’ils faisaient route vers la ville turque d’Adana.
« Je n’ai jamais su que j’allais être être expulsé »
Les réfugiés avaient été transportés à Kos après avoir déposé leur demande d’asile sur l’île grecque de Leros, l’un des cinq hotspots de la mer Égée. « Je n’ai jamais su que j’allais [être] expulsé vers la Turquie », a déclaré à la presse le père de famille, alors âgé de 33 ans, après avoir été placé dans le camp de détention de Düziçi, dans le sud du pays, en 2016. « Les policiers grecs m’ont dit : ‘Laisse ton dîner, prends tes affaires, nous allons t’emmener dans un poste de police pour la nuit et [puis] demain matin à Athènes.' »
Une fois à bord du vol, la famille, a été contrainte de s’asseoir à l’écart les uns des autres, à côté de gardes, identifiés plus tard grâce aux insignes de leurs uniformes. Ce n’est que lorsque le plus jeune des enfants s’est mis à pleurer qu’il a été autorisé à s’asseoir sur les genoux de sa mère.>
Il aura fallu trois ans et huit mois pour que Frontex réponde aux demandes d’explications du cabinet néerlandais. « Ils n’ont pris aucune mesure pour vérifier s’il était légal de faire sortir cette famille de Grèce », a déclaré l’avocate.
« Demander des comptes »
Cette action met en lumière les pushbacks, ces refoulements illégaux entre deux pays voisins. Lisa-Marie Komp a déclaré qu’il était crucial que Frontex, qui compte 660 agents travaillant aux côtés de leurs homologues grecs aux frontières maritimes, terrestres et aériennes de la Grèce, soit tenue de rendre des comptes. « Si cela n’est pas possible, cela reviendrait à saper le principe fondamental de l’État de droit », clame l’avocate.>
Ce n’est pas la première fois que Frontex se retrouve assigné en justice. Au mois de mai 2021, deux demandeurs d’asile, un mineur congolais et une Burundaise, ont porté plainte contre l’agence. Après avoir atteint l’île de Lesbos, toux deux affirment avoir été refoulés illégalement vers la Turquie.
Depuis l’automne dernier, l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes est également pointée du doigt dans des incidents de refoulements de bateaux de demandeurs d’asile de Grèce vers la Turquie.