Hésitation, craintes d’effets secondaires : les migrants frileux face à la vaccination anti-Covid
29 juillet 2021Dans un préfabriqué du nord de Paris, Médecins sans frontières vaccine depuis plusieurs jours le public en grande précarité, dont la plupart sont des migrants vivant à la rue. Si certains acceptent de recevoir le vaccin, d’autres sont en revanche plus réticents. Ils craignent les effets secondaires ou sont influencés par des rumeurs et des théories complotistes. Reportage.
« Vous allez recevoir le vaccin Pfizer. En attendant la deuxième injection le 15 juillet, vous devez continuer de porter le masque et de respecter les gestes barrières. Vous ne serez protégé contre le virus qu’après le deuxième rendez-vous ». Jocelyne Caroff, médecin chez Médecins sans frontières (MSF) explique à Erfan le déroulé des évènements.
Le jeune afghan de 23 ans qui vit sous un pont du nord parisien hoche la tête et écoute attentivement les instructions de la médecin détaillant les potentiels effets secondaires. « Vous allez peut-être avoir des douleurs au bras, à la tête et ressentir de la fatigue, mais nous allons vous donner des médicaments en cas de symptômes », poursuit-elle.
Depuis plusieurs jours, les équipes de MSF participent à une grande campagne de vaccination contre le Covid-19 en ciblant particulièrement les personnes en grande précarité. L’ONG médicale s’est installée dans un préfabriqué situé sur le lieu de distribution des Restos du cœur.
« On a noué un partenariat avec MSF pour rendre accessible la vaccination à tous les publics. Ici, c’est le lieu idéal pour aborder les personnes en situation d’errance et leur parler du vaccin car elles viennent chercher à manger tous les jours. C’est aussi plus simple pour assurer le suivi et programmer la deuxième dose », précise Marine des Restos du cœur Paris.
Un travail de sensibilisation nécessaire
Mais tous ne sont pas si volontaires qu’Erfan. Lors de leur travail de sensibilisation, les équipes de MSF se heurtent aux théories complotistes. « Certains sont persuadés qu’on va leur implanter une puce, que le vaccin permettrait de les tracer ou encore qu’il rendrait stérile », raconte Marc Begue, un infirmier de MSF. Ces craintes sont encore plus fortes chez les migrants, notamment les dublinés ou les déboutés qui craignent – via cette rumeur de traçage – d’être renvoyés dans leur pays d’origine.
L’autre obstacle auquel se heurte l’ONG médicale est la peur des effets secondaires. « Dès qu’on évoque un peu de fièvre ou des douleurs, ça devient compliqué, ils prennent peur », ajoute Marc Begue. Développer des symptômes pour des personnes vivant à la rue est une source de stress supplémentaire.
Ousmane a longuement hésité, effrayé lui aussi par les effets secondaires. Mais aujourd’hui, ce Guinéen de 22 ans a franchi le pas. « On entend beaucoup de choses autour du vaccin, ça fait peur. J’ai finalement décidé de le faire car les effets secondaires m’inquiètent moins que développer la maladie ». C’est grâce aux maraudes de sensibilisation effectuées par MSF qu’il a changé d’avis.
Naser lui en revanche ne veut rien entendre. Cet Afghan d’une vingtaine d’années ne se fera pas vacciner car « il n’y croit pas » et « des amis en Suède sont tombés malades après avoir reçu la première injection ». Autour de lui, ils sont plusieurs à abonder d’un signe de la tête.
Pour tenter de convaincre les plus récalcitrants, MSF continuera tout l’été sa campagne de sensibilisation.
Entre 30 et 40 personnes vaccinées chaque jour
Selon l’ONG, entre 30 et 40 personnes reçoivent une dose de vaccin chaque jour sur ce site*. La campagne de vaccination de MSF est également déployée dans d’autres lieux comme des centres d’hébergement d’urgence ou encore des foyers de travailleurs étrangers
Opérationnel tout l’été, le dispositif prévoit de vacciner entre 6 000 et 10 000 personnes d’ici fin septembre.
Une question se pose cependant sur l’injection de la deuxième dose. Les migrants, qui ne fait pas partie d’un public sédentaire, reviendront-ils pour leur deuxième rendez-vous ? Lors de la première injection, ils repartent avec une attestation de vaccination et une carte MSF précisant la date de la deuxième dose.
Mais cela sera-t-il suffisant ? « L’intérêt d’avoir fait ce partenariat avec les Restos du cœur, c’est aussi pour anticiper ce problème. En venant récupérer à manger, ils penseront aussi à revenir pour le vaccin. Et pour les autres, ceux qui ne sont plus dans la région, une dose sera toujours mieux que rien », affirme l’ONG.
*La clinique mobile de vaccination de MSF est présente porte de la Villette le mardi et jeudi ; et au niveau de la distribution alimentaire des Restos du cœur, toujours à porte de la Villette, le lundi, mercredi et vendredi de 11h à 13h.