Le podcast de la semaine : «Vintage Arab», l’histoire des migrations en musique
28 décembre 2020Comment raconter les migrations du XXe siècle en France ? Vintage Arab a choisi de le faire au travers le patrimoine musical. La démarche ne manque pas d’ambition : il s’agit ici de réhabiliter la musique arabe en tant que culture à part entière, tout en l’incluant pleinement dans l’histoire culturelle française des dernières décennies. L’idée n’est donc pas, comme le rappelle d’emblée Hajer, fondatrice de ce podcast indépendant, de «faire danser les foules dans les endroits à la mode de Paris ou de Berlin», ni même de tarir la soif d’exotisme des amateurs de musique du monde. Non, l’ambition est bien plus viscérale. Comprendre à la fois un héritage et le contextualiser. Lui redonner sa bande originale.
«Au commencement, il y a toujours Barbès , le premier quartier historique de l’immigration maghrébine et africaine à Paris. Le cœur battant. Alger à Barbès et la Tunisie à Belleville», rappelle Hajer, pendant un épisode qui la voit s’adresser à son père, presque nostalgique d’une époque qu’elle n’a pas connue, elle, descendante d’immigrés, mais que les chansons de Mohamed Mezouni ou de Cheikh El Afrit parviennent si bien à ressusciter.
C’est là le charme et la force de Vintage Arab : exploiter la puissance évocatrice de la musique pour capter ce qui fit l’essence de l’immigration arabe et berbère, tantôt légère et festive, tantôt brutale et misérable. De quoi compenser les petits défauts de ce podcast amateur pas toujours bien mixé, parfois un peu trop écrit, mais qui a le mérite de tenir sa promesse en laissant la place et le temps à la musique dont il parle.
Un héritage musical encore vivace
L’exercice dépasse largement le seul objectif mémoriel. Dans une série de trois épisodes, « Rapza », Hajer, accompagnée du DJ Bachir, détaille de manière très étayée comment le rap français s’est imprégné de la musique arabe et en a tiré des samples – ces boucles musicales sur lesquelles les rappeurs posent leurs voix. Un témoignage parmi d’autres de la vitalité de cette culture musicale arabe, aujourd’hui encore, dans le paysage artistique français.
D’autres fois, le caractère politique et historique de Vintage Arab semble presque fortuit, comme lorsqu’un épisode du podcast prend pour fil rouge la vie du musicien libanais Ziad Rahbani, fils de la chanteuse Fairouz. Alors que sa carrière de musicien arabe se développe dans les années 1970, dans un contexte de grandes tensions au Liban, où une guerre civile éclate en 1975, le podcast relate comment cette grande figure du «jazz arabe» est devenue un homme politique de premier plan dans le monde arabe.
Au gré de ces voyages musicaux éclectiques, en plus des quelques perles qu’il permet de découvrir, Vintage Arab réussit finalement cette tâche délicate de conter l’histoire méconnue des immigrés français d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, en ne les faisant renoncer ni à leur culture arabe, ni à leur identité française.