Hébergement : les demandeurs d’asile de région parisienne réorientés en masse vers les régions
22 décembre 2020Alors que la l’Ile-de-France concentre près de la moitié des demandes d’asile de l’Hexagone pour seulement 19 % du parc d’hébergement disponible, le gouvernement français a annoncé, vendredi, un nouveau dispositif d’accueil. Le but : désengorger la région parisienne, prévenir la formation de campements de migrants et répartir l’accueil dans les autres régions de France. InfoMigrants fait le point sur les principales mesures qui s’appliqueront dès janvier et pour deux ans.
« Desserrer la pression en Ile-de-France » et assurer « une meilleure répartition vers les régions » : c’est avec ces deux principaux objectifs que Marlène Schiappa, la ministre déléguée à la Citoyenneté, a présenté vendredi 18 décembre un nouveau schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés en France. Ce nouveau dispositif entrera en vigueur le 4 janvier 2021 pour une période de deux ans.
Réorientation en région
« Les demandeurs d’asile qui sont issus des régions en tension (comme à Paris et ses alentours) pourront être orientés vers des régions dans lesquelles il va y avoir des places disponibles », et ce dès la demande d’asile, a indiqué Marlène Schiappa.
Concrètement, la réorientation s’effectuera lors de l’entretien avec l’Ofiiau Guichet unique des demandeurs d’asile (GUDA) : « Dans le cas où vous ne disposez pas d’un hébergement, un agent de l’Ofii peut vous proposer une orientation en région. L’Ofii vous indiquera alors votre région d’accueil ainsi que l’adresse du centre dans lequel vous devez vous rendre », explique le ministère de l’Intérieur. Un titre de transport sera également remis pour rejoindre les lieux sous cinq jours.
Prônant « un rééquilibrage territorial », l’État prévoit de faire passer de 46% à 23% la prise en charge de la demande d’asile en Ile-de-France.
À la Cimade, association d’aide aux migrants, on craint toutefois que le nouveau dispositif sature rapidement : « En 2020, le nombre de demandes enregistrées a spectaculairement chuté en raison de la fermeture des frontières (75 000 demandes). Mais si, en 2021, le nombre de demandes est très important, comme en 2019 (environ 135 000 premières demandes en métropole), le nombre de places en région sera aussi insuffisant. »
L’association regrette également que l’orientation régionale ne concerne pas les personnes ayant déjà une demande en cours en Ile-de-France et qui attendent parfois depuis des années, une solution d’hébergement. « C’est le cas en particulier les Dublinés qui ont un accès très faible au dispositif national d’accueil (14% fin 2019) ».
De la même manière, « si on réserve les places de région à ceux qui sont en Ile-de-France, un homme isolé qui a déjà peu de chances d’avoir une place risque de se précipiter vers Paris en espérant être relocalisé. Cela peut provoquer une logique centrifuge si on ne prend pas assez en compte ceux qui sont déjà présents sur le territoire », poursuit la Cimade.
Une fois sur place
À son arrivée dans sa nouvelle région d’accueil, le demandeur d’asile passera environ un mois dans une structure provisoire où seront assurés hébergement, domiciliation et suivi social et administratif, avant d’être dirigé vers un centre d’hébergement de la même région, en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) ou en hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA), jusqu’à la fin de l’instruction par l’Ofpraou la CNDA.
Se déplacer en dehors de la région d’accueil
Le demandeur d’asile doit impérativement rester au sein de sa région d’accueil pendant toute la durée d’instruction de son dossier, sous peine de perdre ses droits aux conditions matérielles d’accueil, y compris l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) et la Protection universelle maladie. « À l’exception des convocations à l’Ofpra et à la CNDA, les déplacements hors de votre région d’accueil seront soumis à autorisation », précise le ministère.
Si le demandeur refuse l’offre d’orientation régionale, l’Ofii ne proposera pas d’autre hébergement et l’allocation pour demandeur d’asile ne sera pas versée.
Cette « obligation » est la condition la plus problématique. De nombreux demandeurs d’asile rechignent à quitter l’Ile-de-France. Certains y ont des contacts, une communauté qui peuvent les aider. D’autres y ont des opportunités professionnelles, plus ou moins légales, pour arrondir leurs fins de mois.
Quelle prise en charge des campements de migrants ?
Une cellule de coordination sur la gestion des campements en région parisienne sera lancée « à partir de la troisième semaine de janvier » répondant à une demande des associations, a déclaré Claude d’Harcourt, directeur général des étrangers en France, présent aux côtés de Marlène Schiappa lors de la présentation du dispositif.
Cette cellule sera chargée « à la fois de gérer l’urgence et de travailler sur la fluidité des parcours ». Selon Aurélie Radisson, responsable au sein du Secours Catholique du Cèdre (Centre d’entraide pour demandeurs d’asile et réfugiés), elle devra servir à mieux gérer les évacuations de ces campements, récurrentes depuis 2015, « mais aussi à prévenir leur formation ».
Nouvelles places d’hébergement
Annoncées en septembre, les 4 500 places d’hébergement supplémentaires, seront créées en 2021 « en dehors de l’Ile-de-France pour desserrer la pression » et assurer « une meilleure répartition » en France, a également promis la ministre Schiappa.
En région parisienne, ce sont 204 places qui vont s’ajouter mais elles ne concernent que les centres provisoires d’hébergement pour réfugiés statutaires et bénéficiaires de la protection subsidiaire.
En outre, environ 1 500 places seront, dès janvier, dédiées au dispositif de retour volontaire, « pour ne pas laisser sans solution sur le territoire » les personnes déboutées.
Quid de l’Outre-mer ?
Évasif sur le sujet, le ministère de l’Intérieur assure qu’une « feuille de route pour l’Outre-mer » doit être « finalisée au premier semestre 2021 », comportant notamment des créations de places d’hébergement. Et il y a urgence en la matière, selon la Cimade, qui rappelle que les cinq départements d’Outre-mer représentent près de 8% des demandes d’asile, pourtant, « le dispositif d’accueil y est quasi inexistant : à peine 700 places d’hébergement et une allocation rabotée en Guyane, inexistante à Mayotte ».