Frontière franco-italienne : l’interdiction faite aux ONG d’assister les migrants suspendue par la justice
21 décembre 2020Reprenant une décision du Conseil d’Etat, le tribunal de Marseille a rappelé au préfet des Hautes-Alpes qu’« un refus d’entrée ne peut être opposé à un étranger qui a pénétré sur le territoire métropolitain en franchissant une frontière intérieure terrestre »
Le tribunal administratif de Marseille a suspendu la décision du préfet des Hautes-Alpes d’empêcher des associations de porter assistance à des migrants retenus dans un local de police à la frontière franco-italienne, a-t-il annoncé jeudi 17 décembre.
Le 16 octobre, des représentants de deux ONG françaises, l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) et Médecins du Monde, s’étaient présentés dans les locaux de la police aux frontières (PAF) de Montgenèvre (Hautes-Alpes), afin d’apporter assistance juridique et médicale aux étrangers y étant retenus.
« Mais au prétexte d’une “mise à l’abri” de ces personnes, l’accès leur a été refusé par la PAF de Montgenèvre puis par la préfecture des Hautes-Alpes », déclare jeudi le mouvement citoyen Tous migrants dans un communiqué.
Dans une décision rendue le 10 décembre et consultée jeudi, le tribunal administratif de Marseille, saisi en référé par les deux associations, a suspendu « jusqu’au jugement au fond » la décision du préfet. Il lui a enjoint « de procéder au réexamen de la demande d’accès » et a condamné l’Etat à verser aux ONG 1 500 euros.
« Le préfet des Hautes-Alpes ne peut soutenir que le local (…) mis en place dans le cadre du dispositif de refus d’entrée sur le territoire national constituerait un local de mise à l’abri », écrit le tribunal.
La préfecture soutenait que le maintien d’étrangers dans ces locaux ne relevait pas « d’une mesure de privation de liberté ». « Le refus opposé par le préfet des Hautes-Alpes aux associations requérantes, qui disposent d’un droit d’accès aux différents lieux où des ressortissants étrangers sont privés de liberté, porte une atteinte immédiate et caractérisée à leurs intérêts », poursuit le juge des référés.
Second rappel à l’ordre
Il s’agit de la seconde décision de justice enjoignant à l’Etat de revoir sa décision d’interdire l’accès des locaux où sont retenus des migrants aux ONG. A la fin de novembre, le tribunal administratif de Nice avait demandé au préfet des Alpes-Maritimes de revoir sa décision interdisant cet accès aux ONG.
Reprenant une décision du Conseil d’Etat du 27 novembre, le tribunal de Marseille a rappelé qu’« un refus d’entrée ne peut être opposé à un étranger qui a pénétré sur le territoire métropolitain en franchissant une frontière intérieure terrestre ».
En 2019, 30 000 refus d’entrée ont été notifiés sur la frontière franco-italienne, selon les associations qui n’ont pas été contredites, relève le jugement.
« Si les récentes décisions du Conseil d’Etat et des tribunaux administratifs (…) permettent d’ouvrir une nouvelle voie à la reconnaissance et à la sanction des violations quotidiennes des droits des personnes exilées à la frontière franco-italienne, nos associations appellent désormais à ce que ces décisions se traduisent dans les faits », a réagi le collectif Tous migrants.