Un Sénégalais agressé et blessé à Barentin
31 juillet 2016Un Sénégalais agressé et blessé à Barentin
Témoignage. Une famille dénonce l’agression raciste dont, selon eux, leur père, d’origine sénégalaise, a été victime au lendemain de l’attaque terroriste contre un prêtre à Saint-Étienne-du-Rouvray, près de Rouen. Blessé, le septuagénaire a déposé plainte. Une enquête est en cours.
«Notre père musulman s’est fait agresser physiquement près de chez lui, raconte l’une des filles de la victime. Celui qui a fait cela, l’a aussi insulté et a tenu des propos racistes à son encontre. Il lui a dit : “Sale noir, c’est pas parce que t’es en robe et avec un chapeau que tout t’est permis. Si je descends, c’est pas pour te taper, c’est pour t’égorger”». (Sic).
Les faits se passent mercredi matin, dans un quartier populaire de Barentin, près de Rouen, au lendemain de la prise d’otage terroriste de Saint-Étienne-du-Rouvray. La victime, un septuagénaire musulman d’origine sénégalaise, portant djellaba et chechia, raccompagne ses deux filles en bas de sa barre d’immeuble. Il est 6 h du matin. « Mes deux sœurs repartaient en voiture à Paris, mon père les aidait à charger leurs bagages dans le coffre, confie la deuxième de cette fratrie de neuf enfants. Un jeune homme qui passait à ce moment-là en voiture, a klaxonné et a commencé à les provoquer.»
Selon le musulman pratiquant qui a été hospitalisé, le jeune homme lui a dit : « Qu’est-ce que vous faites là ? » Avant de lui lancer des insultes à caractère raciste. Pour ses filles dont deux étaient présentes au moment des faits, « il ne fait aucun doute que ces violences sont liées aux événements de Saint-Étienne-du-Rouvray. Il lui a dit qu’il l’égorgerait comme eux l’ont fait. Et mon père était clairement identifié comme musulman, il portait sa tenue religieuse ».
Pensant que ça allait dégénérer, la victime demande à ses filles de partir. « Son agresseur a tenté de lui foncer dessus à deux reprises au volant de sa voiture, explique sa seconde fille, âgée de 37 ans. Notre père a récupéré dans la cave de l’immeuble, une marmite pour se défendre. Il sentait qu’il allait être agressé.» Il n’a pas le temps de fermer les portes de l’ascenseur que l’individu se jette sur lui. « Mes autres frères et sœurs l’ont retrouvé presque inconscient. Il se plaignait de sa gorge. Il nous a expliqué que le mis en cause lui avait serré le cou.»
« Notre famille est parfaitement intégrée »
Victime d’un traumatisme crânien, le septuagénaire qui habite le quartier depuis cinquante ans avec sa famille, a été transporté au CHU de Rouen. Il en est ressorti hier et a été entendu par les gendarmes de la brigade de Pavilly. Une enquête a été ouverte pour « violences volontaires ». Aucune interpellation n’a été pour le moment effectuée par les gendarmes. Par la suite, le procureur de la République de Rouen décidera ou non des poursuites, et si ces violences sont ou non à caractère racial. Dans cette procédure, la famille est assistée de l’avocat Me Ouadi Elhamamouchi du barreau de Seine-Saint-Denis.
Ce retraité, ancien ouvrier dans une usine de textile à Barentin, a eu trois jours d’incapacité totale de travail (ITT). Choqué, il bénéficie d’un suivi psychologique. Par pudeur, il ne souhaite pas que son nom apparaisse dans les médias. « Notre famille est parfaitement intégrée, nous avons tous réussi professionnellement, souligne l’une de ses filles. On ne comprend pas cette agression, et mon père n’a jamais eu de problèmes par le passé. Et les communautés chrétiennes et musulmanes ici ont toujours été soudées.» Il connaissait l’abbé Jacques Hamel puisqu’il fréquente parfois la mosquée Yahia de Saint-Etienne-du-Rouvray. « Il a été ébranlé par ce qui est arrivé au prêtre Jacques Hamel. Mon père dénonce toute cette violence extrémiste, les attentats… Lui et toute la communauté musulmane de Barentin ont été affectés.»
La famille a pris contact avec l’association SOS racisme et avec la ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra). « Nous témoignons pour que ça ne se reproduise pas, car notre père aurait pu mourir. Et pour qu’il n’y ait pas d’amalgames suite aux événements récents. Car l’idée des terroristes est de tous nous diviser.»
Auteur: paris-normandie.fr – Webnews