Transferts de fonds des migrants sénégalais : 19,2% des envois passent par le circuit informel
20 décembre 2015Transferts de fonds des migrants sénégalais : 19,2% des envois passent par le circuit informel
Les migrants sénégalais ne choisissent pas les canaux formels pour envoyer des fonds à leurs familles. Une étude vient de montrer que plus de 175 milliards de francs Cfa entrent par des circuits non formels.
A travers leurs envois, les émigrés entretiennent le filet national de sécurité sociale. Une enquête menée et commanditée par la direction de la Monnaie et du crédit du ministère de l’Economie, des finances et du plan auprès de 3 400 ménages et 3 500 migrants basés en Afrique, en Europe et en Amérique du Nord a montré que les transferts d’argent destinés aux familles des émigrés ont dépassé 936 milliards de francs Cfa en 2011. Etant donné que le taux de croissance de ces envois est de 6% par an, le consultant a soutenu que ce montant devrait dépasser 1 000 milliards de francs Cfa en 2015. Les résultats de cette étude qui ont été présentés hier montrent que plus de 80% passent par des banques et les services de transfert d’argent et 19,2%, soit plus de 100 milliards, arrivent par le circuit informel. Les fonds viennent surtout de l’Italie (28%), de la France et de l’Espagne.
Etant donné le niveau de ralentissement de l’économie de ces pays, Dr Latif Dramani, le coordonnateur de l’étude réalisée au nom du Centre de recherche en économie et finance appliquées de Thiès (Crefat), a relativisé son optimisme quant à une éventuelle hausse des transferts. Il reste que 84% des envois sont consacrés à la consommation des ménages contre 14% pour les investissements. L’enquête a révélé que la région de Diourbel reçoit 17% des sommes envoyées, devant Dakar et Kaolack. Fatick est la plus faible bénéficiaire (3%). «Ce n’est pas parce qu’on est de Louga qu’on envoie forcément de l’argent à Louga. Par ailleurs, les gens qui envoient le plus, ce sont ceux qui n’ont pas un niveau d’éducation élevé», a-t-il fait remarquer.
Selon l’expert, il s’agit d’initiatives individuelles des migrants et non pas d’une politique bien orientée. Et «l’Etat du Sénégal n’a aucune maîtrise sur les montants importants qui transitent par le circuit informel. Cela reflète une faiblesse des statistiques sur les transferts de fonds», a-t-il ajouté. Toutefois, la méthodologie utilisée par le Crefa n’a pas trop convaincu certains participants. Selon ces derniers, le fait que 90% des questionnaires soient remplis par les ménages de Kaolack peut fausser les résultats, dès lors que cette région n’occupe pas le premier rang des régions d’émigration. Le cas échéant, disent-ils, il n’est pas exclu que le taux de recours aux moyens informels de transfert dépassent 19,2%. Toutefois, Mamadou Lamine Guèye, président de l’Association des professionnels du système financier décentralisé, a partagé plusieurs anecdotes pour expliquer les difficultés des émigrés sénégalais établis dans certains pays, au point que lui-même a envoyé de l’argent à ses proches pour leur permettre de couvrir leurs dépenses. C’est un problème complexe qui dépasse les chiffres, d’après Oulimata Diop, directrice de la Monnaie et du crédit. Elle s’est néanmoins réjouie de la connaissance de l’apport de la diaspora qu’offre cette enquête.
Il faut relever que la balance des paiements des 2011 ne dépassait pas 700 milliards de francs. Mais elle n’avait pas pris en compte les transferts informels estimés à plus de 10% des envois formels par la Bceao. C’est bien plus que cela, selon le Crefat.
Auteur: Birame FAYE – Lequotidien