Attentats : «Plus personne ne va vouloir de nous», craignent les migrants de Calais

17 novembre 2015 Non Par Les_migrants_afrique

Attentats : «Plus personne ne va vouloir de nous», craignent les migrants de Calais

Calais (Pas-de-Calais), hier. Parmi les migrants, certains ont fui la terreur imposée par Daech au Moyen-Orient et ressentent aujourd’hui tristesse et colère.

Deria joint ses deux mains pour les tendre vers le ciel. Son pied frappe le sol boueux de la « jungle », le nom donné à l’immense camp où vivent, comme lui, près de 5 000 migrants à Calais (Pas-de-Calais). « C’est pas possible, c’est un cauchemar. Plus personne en Europe ne va vouloir de nous », réagit avec inquiétude ce Kurde de Syrie de 29 ans quand un homme lui apprend qu’un passeport syrien a été retrouvé près du corps de l’un des kamikazes des attaques de Paris. Les autorités avaient beau assurer lundi que l’authenticité de ce document restait à vérifier, Deria sait bien que la simple hypothèse d’un terroriste infiltré dans le flot de réfugiés va conforter la peur de certains Français.
Lui est arrivé de sa Kameshli natale (une ville au nord-est de la Syrie) il y a vingt-trois jours, à l’issue d’un long voyage entamé après la mort de son père dans un attentat suicide. « Il a été tué par Daech. J’ai fui Daech. Et là, en France, je retrouve qui ? Daech. Je suis en colère », explique-t-il tandis que la nuit tombe sur la « jungle ». Les feux de camp éclairent les tentes de fortune qui s’étendent à l’infini. Dans la sienne, il n’y a rien, si ce n’est un fin duvet.

«Je savais que ça allait arriver»

A l’entrée du camp, un très jeune Irakien ronge son frein. Il a appris ce qui s’était passé à Paris. Dans cette « jungle » sectorisée par nationalités, pas question pour lui de faire de cadeau à son voisin de Syrie. « On est des centaines sur les bateaux, c’est impossible de reconnaître un visage alors bien sûr que Daech en profite. Je savais que ça allait arriver. Si j’étais votre président, je ne laisserai entrer aucun Syrien, ils nuisent aux autres réfugiés », assène, sans concession, ce peshmerga (combattant kurde engagé contre le groupe Etat islamique). Sa rancœur a presque autant de force que sa détermination à se reconstruire après la guerre qu’il a vécue, les égorgements de civils auxquels il a assisté.

Plus loin, les magasins d’alimentation bien organisés semblent s’animer. Des lumières rouge et bleu émergent d’un cabanon. Les réfugiés africains y ont improvisé… une discothèque ! « Chacun essaie de trouver du réconfort comme il peut », sourit Nadeb. A 32 ans, ce chrétien d’Irak ne veut pas opposer les peuples. « Un terroriste parmi les migrants syriens ? J’ai du mal à y croire. Ils sont comme nous, ils essaient d’échapper à une guerre, pas d’en faire une. Ce qui s’est passé à Paris, ça me rend triste pour vous. »

«Cela crée un malaise»

Christophe, un riverain immédiat du campement, « cohabite » sans « y faire attention » avec les réfugiés. « Un terroriste infiltré dans les migrants, non, ça ne m’étonnerait pas. Mais même si j’habite à côté de la jungle je refuse d’y penser sinon je ne vivrai plus », explique ce marin de 44 ans qui a bien plus peur de son voyage en train qu’il doit effectuer aujourd’hui… à Paris que de ses voisins.

Mais, dans le centre-ville, Nicole 77 ans, ne cache pas son angoisse. « Je me suis toujours demandée s’il n’y avait pas dans la jungle des personnes qui étaient là pour de mauvaises raisons. Je n’avais peut-être pas tort. Tout cela crée un malaise. J’avais déjà peur d’aller au supermarché, alors là… », note-t-elle. A 65 ans, Louis-Pierre, ancien directeur des douanes, a la voix forte et une ribambelle d’arguments. « Les migrants, c’était mon quotidien », rigole le sexagénaire. « Ne plus les accueillir ? Fermer les frontières ? Voter FN ? Tout ça, ce sont des propos de politicards qui ne tiennent pas. On devrait renoncer à toute humanité parce qu’un migrant sur 50 000 serait peut-être mal intentionné ? Très peu pour moi », assène-t-il en agitant la baguette de pain qu’il tient dans la main. « Moi, je dis, reprend-il, que les attentats doivent au contraire changer la vision que l’on a des migrants. La bombe que l’on s’est prise vendredi en pleine face, elle est comme les dizaines de celles qu’ils fuient. C’est à cause de terroristes comme ceux-ci qu’ils sont venus en France. »

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