Accord a minima sur les migrants au Conseil de l’UE
26 juin 2015Accord a minima sur les migrants au Conseil de l’UE
Pas d’accord sur la Grèce, un accord minimal sur l’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés au bout de sept heures de querelle : l’Union européenne (UE) a vécu une dure journée, lors du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement qui se déroulait à Bruxelles, jeudi 25 juin.
Les dirigeants ne sont pas parvenus à s’entendre sur le projet de la Commission, qui prévoyait des clés de répartition par pays (ou « quotas », une expression rejetée notamment par Paris) pour l’accueil de 40 000 demandeurs d’asile syriens et érythréens arrivés en Italie et en Grèce, ainsi que de 24 000 réfugiés reconnus par l’ONU. Ils se sont contentés d’un accord pour un plan de répartition, à condition qu’elle soit « volontaire ». C’est un débat sur la mention, ou non, de ce qualificatif dans les conclusions qui a déclenché un violent coup de colère du premier ministre italien, Matteo Renzi, contre les pays (Pologne, Hongrie, Slovaquie, République tchèque, Lettonie…) qui, a-t-il dit, « nous font perdre notre temps ».
Le premier ministre grec, Alexis Tsipras, a, lui, subtilement lié le dossier de son pays et celui des migrants en déclarant en substance : « On me demande d’appliquer des règles et de faire preuve de responsabilité, mais sur d’autres sujets on n’a pas la même exigence… » Le président français et la chancelière allemande ont tenté de calmer les esprits. La brève intervention du premier ministre britannique, David Cameron, concernant le futur référendum sur le maintien, ou non, de son pays dans l’Union a temporairement calmé les esprits, agités par la Grèce et les migrants. C’est tout dire sur le déroulement de la soirée…
Angela Merkel a évoqué, dans sa conférence de presse, « le plus grand défi qu’[elle ait] connu » pour qualifier l’enjeu de la migration, mais décrit comme une « bonne nouvelle » le fait que tous les pays aient finalement été d’accord pour aider 64 000 personnes. François Hollande a comparé la méthode avec l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre : « Pour le climat, l’Europe a été capable de fixer un objectif et chaque pays doit apporter sa propre contribution. » Même mécanisme avec les migrants donc.
Chaque Etat devra faire une proposition arbitrée en juillet par les ministres de l’intérieur, dont on ignore s’ils agiront par consensus ou par un vote à la majorité – un sujet qui a créé d’autres tensions. Un texte devrait être présenté en juillet et précéder une nouvelle négociation politique, à la rentrée. La Hongrie et la Bulgarie, confrontées à une forte hausse du nombre de demandes d’asile, bénéficieront d’un statut particulier.
Le ton du président de la Commission européenne était moins positif que celui des chefs d’Etat. Critiquant la méthode du travail nocturne qui, dit-il, « ne permet pas de prendre les bonnes décisions », Jean-Claude Juncker n’a pas caché son dépit devant « l’effort modeste » d’une Europe qui, selon lui, n’est pas « à la hauteur des ambitions qu’elle déclame ».
Offrir « une perspective de vie »
Visiblement éreinté, le président a eu une altercation avec Donald Tusk, le président du Conseil, qui met surtout en avant les mesures qui doivent faciliter le retour et la réadmission des migrants déboutés du droit d’asile. « Il n’y aura pas de solidarité tant que les migrants ne seront pas correctement enregistrés », a ajouté M. Tusk devant les journalistes, ce qui vise directement l’Italie et la Grèce.
Craignant un délitement complet de son projet, la Commission voulait le maintenir en l’état. Elle a dû y renoncer et M. Juncker a dû affirmer qu’il lui « importait peu », finalement, de savoir si la relocalisation des demandeurs d’asile et la réinstallation des réfugiés seraient obligatoires ou pas. Disant ne « jamais avoir eu d’illusion sur le processus décisionnel de l’Union », il a déclaré que le plus important était d’offrir « une perspective de vie » à 64 000 personnes.
Il reste à savoir si le mécanisme du volontariat permettra d’atteindre l’objectif fixé alors que, à titre de comparaison, 185 000 demandes d’asile au total ont été enregistrées dans l’Union depuis le 1er janvier (73 000 en Allemagne, 32 800 en Hongrie, 14 800 en France) et que les tensions s’aggravent entre certains Etats membres, tentés de réintroduire des contrôles à leurs frontières.
Contrôle plus strict des arrivants
« Certains pays ne veulent pas se faire imposer des réfugiés. Si on n’arrive pas à avoir la répartition des réfugiés, il y a un risque que les Italiens et les Grecs se braquent, et que tout se détricote », analyse une source diplomatique. Un tel échec précipiterait celui de la « Stratégie pour la migration » élaborée par la Commission. D’autant que les Européens devront peut-être revoir à la baisse leur projet de mission militaire contre les passeurs libyens, faute d’une résolution de l’ONU ou d’une demande d’une autorité libyenne légitime.
« L’Europe fait face à des défis qui la concernent directement, dans son esprit, dans son identité, dans son avenir. Est-elle capable (…) face à des crises, à des déplacements de population, à la fois de se protéger, de protéger ses frontières et d’être à la hauteur des détresses de peuples chassés, exilés ou en danger ? », s’est interrogé M. Hollande. Le déroulement de ce Conseil permet d’en douter.
A ce stade, le seul accord véritable porte sur le contrôle, plus rapide et plus strict, des arrivants. Des centres d’enregistrement prendraient leurs empreintes et détermineraient leur statut. Une sélection s’opérerait plus vite entre ceux qui pourraient bénéficier d’une protection temporaire, les candidats à l’asile, et ceux qui seraient renvoyés. Des associations craignent déjà des refoulements massifs ou une longue mise en quarantaine de nombreuses personnes.
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