Présidentielle 2022 : que proposent Macron et Le Pen sur l’immigration ?

Présidentielle 2022 : que proposent Macron et Le Pen sur l’immigration ?

25 avril 2022 Non Par Fatou Kane

Comme en 2017, Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont tous deux été qualifiés dimanche soir pour le deuxième tour de l’élection présidentielle. Si elle est élue, la cheffe du parti d’extrême-droite fera de l’immigration la grande cause de son mandat en supprimant toute une série de mesures – comme le regroupement familial, le droit du sol ou l’Aide médicale d’État. Le président candidat se montre, lui, moins expansif sur le sujet mais souhaite néanmoins expulser un plus grand nombre de ressortissants étrangers et durcir les conditions d’accès aux titres de séjour. Décryptage.

Le président sortant, Emmanuel Macron, et la cheffe du Rassemblement national (RN) Marine Le Pen s’affronteront pour la dernière ligne droite de l’élection présidentielle, le 24 avril prochain. Comme en 2017, les deux protagonistes se sont qualifiés au premier tour, avec 27,84 % des voix pour le candidat de la République en marche (LREM) et 23,15 % pour la candidate d’extrême-droite.

Emmanuel Macron et Marine Le Pen s’opposent sur un certain nombre de sujets, notamment l’immigration. InfoMigrants revient sur les propositions en matière migratoire des deux finalistes à la présidentielle.

Marine Le Pen et la préférence nationale

La responsable du RN est partisane d’une ligne dure sur le sujet et fera de l’immigration la grande cause de son mandat. Elle compte mettre en place un référendum pour appliquer ses principales mesures.

Sa proposition phare consiste à inscrire la préférence nationale dans la Constitution, afin de contourner son préambule qui dicte les « principes fondamentaux ». En clair, Marine Le Pen souhaite réserver les emplois, les logements sociaux et les aides sociales aux personnes ayant la nationalité française. « Les Français seront de nouveau maîtres chez eux. […] Notre pays passe avant tout, nos familles passent avant tout, notre peuple passe avant tout ! », a-t-elle martelé pendant sa campagne.

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Cette mesure discriminatoire est pourtant difficilement applicable. La priorité nationale, telle que voulue par l’extrême-droite, serait contraire à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne à laquelle la France est tenue en tant qu’État membre, rappelait Libération en septembre dernier. Comme le souligne le texte : à travail égal, salaire égal et mêmes droits.

Les mesures de Le Pen, difficiles voire impossibles à appliquer

Marine Le Pen entend également mettre fin au regroupement familial, au droit du sol et à l’Aide médicale d’État

(AME). Mais là encore dans les faits, de telles mesures seraient difficiles à appliquer sans bafouer un certain nombre de textes. Le regroupement familial est encadré par le droit européen et est régi par la Constitution française. Quand au droit du sol, l’abroger reviendrait à créer des apatrides. Or, la France est signataire de conventions internationales qui proscrivent la création d’apatrides sur son territoire.

La cheffe du Rassemblement national prévoit aussi de supprimer les autorisations de séjour pour les étrangers n’ayant pas travaillé dans les 12 mois, de durcir l’obtention de la naturalisation et de traiter des demandes d’asile à l’étranger.

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Sur ce dernier point, InfoMigrants a plusieurs fois démontré que la mesure était tout simplement impossible. Tout d’abord car elle s’oppose au droit international mais aussi car elle atteste d’une réelle méconnaissance de la réalité vécue par les exilés dans leur pays d’origine. Tous n’ont pas la possibilité de déposer une demande d’asile dans leur propre pays ou dans un pays voisin, pour diverses raisons : par peur d’être repérés par les autorités, peur d’être identifiés comme souhaitant venir en France, par peur de représailles. Sans compter que dans certains cas, les ambassades sont fermées ou inaccessibles.

Enfin, Marine Le Pen veut l’expulsion « systématique » des clandestins, délinquants et criminels étrangers.

Emmanuel Macron et le mythe des expulsions

Si Emmanuel Macron épouse peu les idées de son adversaire et qu’il est moins expansif sur la thématique, il la rejoint néanmoins sur l’expulsion des ressortissants de pays étrangers qui « troublent l’ordre public ». Encore faut-il que les États concernés acceptent de les récupérer et délivrent des laissez-passer. Certains pays, en conflit diplomatique avec la France, refusent de remettre ces documents. C’est le cas notamment de l’Algérie. « Alger a donné instruction à son réseau consulaire en France de ne plus assurer aucune audition consulaire et de n’accorder aucune délivrance de laissez-passer », affirme un courrier émanant du ministère de l’Intérieur et révélé en janvier par Médiapart et Street press.

Pour les forcer à reprendre leurs ressortissants, Emmanuel Macron entend réduire le volume des visas. Une technique, aux effets limités, qui avait déjà été utilisée en fin d’année dernière avec le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, et qui avait provoqué une crise diplomatique avec ces pays du Maghreb.

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Toujours dans le but d’augmenter les expulsions, le président candidat à sa réélection veut que le refus d’asile soit systématiquement accompagné d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). Cette mesure permettrait de « réduire la lourdeur des procédures pour garantir des mesures d’éloignement plus rapide », estime Emmanuel Macron. Mais les OQTF ne signifie pas un renvoi automatique à la frontière : le document donne un délai de 30 jours à la personne sans-papiers pour quitter par ses propres moyens le territoire français. Ce n’est qu’au-delà de cette période qu’elle peut être envoyée en centre de rétention administrative (CRA) et expulser après différents recours.

Le président sortant souhaite enfin revoir les conditions d’accès aux titres de séjour de plus de quatre ans, en les conditionnant « à un examen de français et à une vraie démarche d’insertion professionnelle ». Des conditions proches de celles nécessaires actuellement à l’obtention de la nationalité française.